La mesure de la température de surface des océans
Il s’agit notamment de la bande 6 425-7 125 MHz, dite « 6 GHz haute » qui offre 700 MHz de spectre. Elle est étudiée pour une identification mondiale, contrairement à la partie basse, 6 425-7075 MHz qui n’est à l’étude que pour la Région 1.
La bande haute (6 425-7 125 MHz) est déjà attribuée au service mobile., Toutefois, le renvoi 5.458 du Règlement des radiocommunications (RR) reconnait l’existence de mesures passives par les services de l’exploration de la Terre par satellite (SETS) au-dessus des océans dans les bandes 6 425-7075 MHz (6,9 GHz) et 7 075-7 250 MHz (7,3 GHz). Il y est stipulé que les administrations, dans la planification de l'utilisation future de ces bandes, doivent ternir compte des besoins du service d'exploration de la Terre par satellite (passif ) et du service de recherche spatiale (passif). Cependant, la reconnaissance de cette utilisation n’accorde pas un droit de protection d’un point de vue international : elle engage simplement les États membres à prendre note d’un besoin de protection, sans avoir obligation d’y satisfaire.
Température de surface de la mer : les deux bandes 6 425-7 075 MHz et 7 075-7 250 MHz sont actuellement utilisées par des satellites japonais, russes, indiens et chinois. Ces bandes servent uniquement à mesurer la température de surface des océans (de 0 à 20 mètres de profondeur) par mesure de brillance. Cette mesure sera par ailleurs très prochainement incluse dans le satellite CIMR de l’Agence spatiale européenne.
La température de surface de la mer (SST – sea surface temperature) reste une composante vitale du système climatique car elle exerce une influence majeure sur les échanges d'énergie, de quantité de mouvement et de gaz entre l'océan et l'atmosphère. La SST contrôle en grande partie la réponse atmosphérique de l'océan aux échelles de temps météorologiques et climatiques. Sa répartition spatiale traduit la dynamique océanique sous-jacente, structurée par les fronts océaniques, les tourbillons, les remontées en surface des eaux froides profondes le long de certains littoraux océaniques côtier mais aussi les échanges entre le plateau côtier et l'océan.
De nombreuses études ont analysé la relation entre la SST et certains évènements climatiques. Certaines montrent par exemple que la force des vents de tempêtes dans l’Atlantique est corrélée à la température des océans. Pour les cyclones tropicaux, il semble exister une valeur seuil de SST qui implique des vents supérieurs à 50 m/s (tempête/ouragan de catégorie 3 ou plus).
L'augmentation de la SST aura sûrement pour conséquence une augmentation du nombre d’ouragans mais sans modifier l'intensité ultime des tempêtes. D’un point de vue général, ouragans, cyclones et tempêtes se nourrissent de la chaleur de surface des océans, c’est pourquoi la mesure de SST est la mesure passive prédominante pour évaluer l’apparition et la trajectoire de tels évènements.
Comment mesure-t-on le SST ?
Les mesures de SST peuvent être établies de différentes façons :
- par l’intermédiaire de systèmes terrestres de façon directe (bouées, navires) ;
- ou par des systèmes satellitaires ou aéronautiques (dans le domaine des infrarouges ou des microondes).
De nos jours, les mesures terrestres de SST sont utilisées notamment pour étalonner les données satellitaires. Les mesures satellitaires dans le domaine microonde (6 ou 11 GHz) et infrarouge (IR) ont des caractéristiques différentes et complémentaires :
- Les émissions IR à la surface des océans sont produites par une couche très fine de moins de 0,1 mm tandis que les émissions microonde proviennent d’une couche de plusieurs mm.
- La résolution spatiale dans le domaine IR est de l’ordre de 1 à 4 km, lorsqu’elle est de 50 à 75 km dans le domaine microonde.
- Mais l’avantage des microondes est que la propagation des ondes à ces fréquences reste relativement insensible à la présence des nuages (sauf en cas de très fortes précipitations). En revanche, les mesures dans l’IR sont influencées par la diffusion et l’émission intrinsèque des nuages.
- La mesure satellitaire permet de couvrir la totalité du globe quotidiennement, les mesures par contact direct (bouées, navires) ne permettant que des mesures sur des zones locales restreintes.
- En ce qui concerne les bandes microondes, des études ont comparé la mesure de SST dans la bande 10,6-10,7 GHz, et celles faites dans la bande 6 GHz. Il s’avère que les mesures de SST dans la bande haute sont moins fiables lorsque la température est basse (en-dessous d’environ 12°C).
- Au regard du RR, seule la bande 23,6-24 GHz et une portion de la bande 10,6-10,7 GHz sont couvertes par une mesure de protection réglementaire explicite par le renvoi 5.340 (toutes les émissions sont interdites).
- La bande 10,6-10,7 GHz n’est pas nécessairement exploitable en présence de brouillage. Or, cette bande est aussi à l’étude durant ce cycle CMR en vue d’une identification éventuelle de la bande 10-10,5 GHz pour l’IMT en Région 2, ce qui créera des brouillages.
Ce cycle d’étude pour la CMR-23 met ainsi sous tension l’ensemble des bandes passives nécessaire à l’élaboration des mesures de température de surface des océans.
Quels brouillages dans les bandes 6 et 11 GHz ?
Certains capteurs passifs mesurant la SST présentent les deux canaux 6,9 et 7,3 GHz. Historiquement, le canal 7,3 GHz a été ajouté afin de permettre des mesures lorsque le canal 6,9 GHz était brouillé.
La figure 1 montre les interférences dans les bandes 6,9 GHz et 7,3 GHz sur une journée, la figure 2 en donnant le nombre global sur un mois.
La figure 1 montre assez clairement que le Japon et les États-Unis présentent davantage d’interférence dans la bande 6,9 GHz, tandis que l’Europe, l’Asie du Sud-Est et les océans sont davantage brouilleurs pour le SETS dans la bande 7,3 GHz. La figure 2 permet de comprendre que les interférences du SETS apparaissent moins souvent sur les zones océaniques que sur les zones terrestres.
L’association des deux figures permet d’émettre certaines hypothèses expliquant ces résultats :
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Sur les zones océaniques (et particulièrement proche des îles comme au Japon ou à Hawaï), les interférences proviennent sans doute de liaisons terre-espace du service FSS (6,9 GHz) ou SRS/SETS/SOS (7,3 GHz). Les lignes distinctes sur la figure 1 tout comme les « stries » de la figure 2 laissent penser à des interférences en « lobe secondaire » du SETS. Les stations au sol des services SFS/SRS/SETS/SOS présentent généralement des puissances et des gains importants afin de pouvoir transmettre des données vers les satellites qu’elles suivent. Ces stations ne s’orientent pas intentionnellement vers le satellite Earth Exploration-Satellite Service (EESS), mais le suivi de leur satellite peut faire qu’une partie de leur puissance rayonnée soit interceptée
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Sur les zones terrestres, les brouillages apparaissent continuellement et cela peut s’expliquer davantage par la présence de liaisons terrestres sur les territoires survolés et notamment du service fixe largement déployé dans les deux sous bandes. Il s’agit, contrairement au cas précédent, de brouillage direct dans le lobe principal du SETS. Dans ce cas, les mesures océaniques ne sont pas interférées.
SST et changements climatiques
Les différents rapports du GIEC sont unanimes : l’impact du réchauffement climatique va avoir plusieurs influences sur les évènements climatiques :
augmentation du niveau des océans, donc inondation côtière ;augmentation notable (10-15 %) des taux de précipitation des cyclones tropicaux ;augmentation (1-10 %) de l’intensité des cyclones tropicaux à l’échelle mondiale, selon les projections pour un réchauffement de 2°. augmentation de la proportion mondiale de cyclones tropicaux qui atteignent des niveaux très intenses (catégorie 4 et 5)
Quel avenir pour la mesure de SST ?
Durant le premier semestre de l’année 2022, l’ANFR a étudié l’impact potentiel de l’insertion de l’IMT dans les bandes 6 425-7 125 MHz. Les résultats montrent (cf. figure ci-dessous) que le déploiement de la téléphonie mobile sur les territoires émergés impliquera d’importantes pertes d’information sur les océans. L’interférence de l’IMT pourrait ainsi impliquer jusqu’à 50 dB de dépassement du critère de protection sur l’océan (mesure côtière) laissant peu d’espoir sur de potentielles techniques de réduction de brouillage.
La bande 6 425-7 125 MHz est attribuée internationalement au service mobile et des pays comme les États-Unis ont déjà fait le choix d’introduire dans cette même bande des RLANs (Wifi - application appartenant au service mobile comme l’IMT). Or, l’ANFR a démontré que l’insertion de ces systèmes dans la bande créera aussi des brouillages à l’EESS comme le montre la figure 4. Les résultats présentés sont, à ce stade, préliminaires puisqu’ils sont basés sur des paramètres issus d’un équipementier RLANs mais doivent encore être traités par le groupe de travail 5A de l’UIT-R et approuvés.
Cette bande étant déjà attribuée au service mobile, si la bande basse n’est pas attribuée lors de la CMR-23 à l’IMT en R1, elle serait alors utilisée en Europe pour les RLANs (Wifi), cette alternative à l’IMT étant elle aussi déjà à l’étude au sein de la CEPT.
Des solutions potentielles
Le principal problème auquel est confronté la mesure de SST reste la mauvaise protection de la bande en regard de l’importance des données issues des mesures satellites. Par ailleurs, la Résolution de la CMR-19 fixant l’orientation des études du point 1.2 à l’ordre du jour ne fait même pas référence à la possibilité d’étudier l’impact de l’IMT sur l’EESS passif. De nombreux débats, parfois compliqués, ont eu lieu au sein de l’UIT, par exemple entre l’ESA, la Russie et la France d’un côté et les États-Unis de l’autre pour savoir si des études devaient être entreprises et si leurs résultats pouvaient être intégrés dans le rapport de préparation de la conférence. Ces divergences n’ont permis d’aboutir qu’à un compromis visant à entreprendre des études à l’UIT-R sans lien avec le point 1.2 de l’ordre du jour de la CMR-23.
Toutefois, les études entreprises par l’ANFR ont permis de rapidement comprendre que les brouillages auxquelles ces observations allaient être confrontées dans la bande, associées à celles qu’elle subit déjà, auraient pour conséquence de rendre la bande inexploitable pour la SST. La perte de la SST ne pouvant être envisagée, l’ANFR a donc travaillé à la recherche de solutions pragmatiques pour permettre la continuité des mesures de SST dans d’autres bandes de fréquences, qui ont a permis d’aboutir à deux propositions :
La bande 8,4-8,5 GH (soit 100 MHz). Cette bande est à ce jour attribuée au service mobile (SM), au service fixe (SF) et au service de recherche spatiale (SRS) à la descente.
- Elle ne devrait pas interférer avec l’EESS. Les émissions, qui proviennent des sondes spatiales généralement très éloignées (espace lointain), arrivent sur Terre dans le sens opposé à la visibilité du capteur EESS et avec des puissances infinitésimales. Ce service utilise des stations au sol qui présentent des caractéristiques assez proches de la radioastronomie.
- L’attribution du SM n’est pas utilisée pour des applications grand public. Mais, cela pourrait poser un problème à terme, si cette bande était visée par les IMT.
- La bande est utilisée par le SF mais les liaisons déployées sont optimisées en puissance (puissance faible, gain très important dans la direction du récepteur).
La bande 4,2-4,4 GHz (soit 200 MHz). Cette bande est à ce jour attribuée au service de radionavigation aéronautique et aux services mobiles aéronautiques (WAIC par RR No 5.436).
- ces systhèmes fonctionnent de façon continuelle sur l’ensemble des aéronefs, mais présentent des émissions dirigées vers le sol et des niveaux particulièrement bas en direction de l’espace. Leur impact sur les mesures de SST parait donc négligeable. Il reste à étudier les réflexions des radioaltimètres sur le sol et leur impact sur les satellites passifs.
- les systèmes autorisés par le RR sous le service mobile aéronautique sont les WAIC (wireless avionics intra communication). Insérés dans le RR depuis 2015, ils permettent des liaisons de courte distance entre certains systèmes de bord des aéronefs, l’idée étant de diminuer le câblage et donc de réduire le poids.
- cette bande présente déjà une attribution du SETS à titre secondaire.
La température de surface des océans présente une certaine sensibilité en fréquences entre 4 et 9 GHz (voir figure 5) avec un maximum autour de 6 GHz, ce qui laisse de bons espoirs que cette grandeur soit correctement mesurée dans les bandes proposées par l’ANFR.
Concernant les études opérées par l’ANFR sur l’insertion de la mesure de SST dans ces deux bandes :
- Dans la bande 8,4-8,5 GHz, les études avec le service fixe (cf. figure 6) ont montré que ce service n’allait pas interférer la mesure de SST, si la bande ne connaissait pas de déploiement plus important qu’aujourd’hui. Toutefois, la potentielle insertion de l’IMT dans cette bande aurait des conséquences fâcheuses pour les mesures de température des océans.
- Dans la bande 4,2-4,4 GHz, les études, basées sur les caractéristiques des WAICs issues de l’UIT sont en cours (Groupe de travail 7). Toutefois, ces caractéristiques sont en discussion au sein de l’OACI qui tient avant tout à ce que les WAICs protègent les radioaltimètres en co-canal.
La dernière étape consistera pour l’ANFR à étudier l’impact des IMT déjà déployés en Europe entre 3,4 et 3,8 GHz et jusqu’à 4,1 GHz dans d’autres États (5G) sur la potentielle mesure de la SST en bande adjacente.
Quelle conclusion retenir, quelles perspectives envisager ?
L’ANFR, relayant la position française, a contribué au travail de l’UIT mais également au niveau européen (CEPT). L’Agence a démontré l’incompatibilité de la mesure de SST dans les bandes 6 425-7 075 MHz et 7 075-7 250 MHz avec les futurs systèmes IMT ou RLAN. Or, dans ces bandes, le SETS ne dispose pas de droit à la protection internationale. C’est pourquoi l’ANFR a proposé au niveau européen et international des solutions pragmatiques visant à poursuivre ces observations, qui restent essentielles dans la connaissance du changement climatique. On pourrait ainsi assurer la continuité de la mesure de SST dans les années à venir grâce à une attribution du SETS dans ces nouvelles bandes durant la CMR-23, ou plus probablement en ouvrant un nouveau point à l’ordre du jour de la CMR-27 pour étudier cette attribution. La question des bandes alternatives à la bande 6 GHz a été soulevée au niveau européen et les bandes 4,2-4,4 GHz et 8,4-8,5 GHz ont été reconnues comme dignes d’intérêt. Toutefois, à ce jour, la France reste encore assez isolée dans cette démarche et est confrontée à une réticence de nombreux États qui voient dans de nouvelles attributions au SETS passif une contrainte majeure pour le déploiement futur de nouveaux systèmes. Le délai restant jusqu’à la CMR sera décisif pour rassembler plus largement autour de solutions réglementaires de protection internationale à long terme des SST.