Du réseau partout et tout le temps : la connectivité directe par satellite

Satellites 25 novembre 2024
Qui n’a jamais désespéré en constatant l’absence de réseau sur son smartphone, juste au moment où il était vital d’envoyer un message ou de passer un appel ?

Il se produit aujourd’hui une prise de conscience de l’ensemble de l’industrie mobile et spatiale qu’il est devenu nécessaire d’avoir une connectivité, même limitée, en tout lieu sur Terre. Il s’agit même d’un des 6 objectifs de la 6G (IMT-2030), à l’égal de l’amélioration des performances en termes de débit, de capacité ou de latence. Mais, sans attendre la 6G, les organismes de normalisation ont déjà intégré à la 5G les fonctionnalités permettant le raccordement de smartphones à des réseaux non terrestres (Non terrestrial networks, ou NTN). L’acronyme NTN désigne bien sûr les satellites, mais aussi les plateformes de haute altitude, drones ou ballons stationnaires au-dessus du trafic aérien, à environ 20 kilomètres d’altitude. Pour ces derniers, les conditions d’utilisation des fréquences, incluant la protection des réseaux mobiles et des autres services dans les pays voisins, ont été établies lors de la CMR-23 (point 1.4).

Des services existants

Des solutions existent déjà à l’instar du service proposé par Apple qui permet, à partir des iPhones 14 et ultérieurs, d’envoyer vers un satellite des messages courts pour appeler des secours, demander une assistance routière ou partager sa position. Apple utilise, pour capter puis relayer ces messages, la constellation Globalstar, qui fonctionne depuis 25 ans dans des bandes de fréquences dédiées pour des services classiques de mobile par satellite (voix et données). Un autre exemple est donné par la société Mediatek, qui a intégré à ses puces une fonctionnalité permettant l’échange de messages dans des bandes utilisées par des satellites géostationnaires, comme ceux d’Inmarsat. Dans les deux cas, ces fonctionnalités sont réservées aux smartphones qui intègrent un composant permettant d’interagir avec les fréquences correspondantes. Pour certains usagers, cette fonctionnalité d’appel d’urgence par satellite hors couverture mobile peut devenir un nouveau critère d’achat au moment de changer de smartphone.

Des projets en cours

L’autre solution pour la connectivité directe par satellite ouverte par cette normalisation NTN consiste à utiliser les bandes de fréquences déjà utilisées au sol par les réseaux ouverts au public. Cela présente l’avantage de fonctionner avec n’importe quel smartphone capable d’utiliser toutes les fréquences exploitées par son opérateur mobile. Il devient ainsi possible d’apporter une véritable connectivité pour tous et partout, y compris en itinérance. Mais, dans ce cas, il faut que l’opérateur consente à se priver d’un bloc de fréquences dans son réseau terrestre. En effet, il n’est pas possible d’utiliser la même fréquence pour une antenne-relais et pour un satellite, du fait du brouillage induit. C’est pour cette raison qu’aux Etats-Unis l’opérateur T-Mobile, pour offrir un service avec Starlink, a consenti à réserver aux communications par satellite un bloc de 2x5 MHz sur lequel il détient une autorisation pour exploiter un réseau mobile dans tout le pays. De ce fait, Starlink déploie depuis le début de l’année des satellites qui permettront de lancer ce service dès 2025. Deux autres sociétés américaines, AST Space Mobile et Lynk, ont aussi lancé des satellites et réalisé des expérimentations pour pouvoir fournir un service similaire. Ils négocient actuellement avec des opérateurs mobiles du monde entier l’accès à des ressources en fréquences compatibles avec les possibilités de leurs satellites. De nouveaux projets chinois sont aussi annoncés. Néanmoins, les débits par utilisateur resteront limités : pour un bloc de 5 MHz, il s’agira en effet de partager une ressource de 10 Mbit/s entre tous les utilisateurs susceptibles d’être actifs dans une zone de 20 à 40 km de diamètre.

Europe : un cadre réglementaire et des ambitions

En Europe, les zones « blanches » ne bénéficiant pas d’une couverture mobile sont réduites. De ce fait, le marché de la connexion directe smartphone-satellite reste incertain, car les opérateurs pourraient ne pas souhaiter consacrer un bloc de fréquences chèrement acquis pour des cas d’usage restant limités. Cependant, de nombreuses autres régions du monde, y compris aux Etats-Unis, ne sont pas du tout couvertes par des réseaux mobiles, sans parler bien sûr des océans !

Pour l’ANFR, un prérequis doit être de s’assurer d’un cadre règlementaire international adéquat, alors que les bandes concernées ne sont aujourd’hui pas attribuées dans le Règlement des radiocommunications au service mobile par satellite. Alors que les premiers satellites avaient été lancés en l’absence d’un cadre adapté, l’Agence a œuvré pour inscrire à l’ordre du jour de la CMR-27 le point 1.13 qui permettra de décider d’une nouvelle attribution mobile par satellite dans ces bandes, accompagnée de toutes les conditions nécessaires pour protéger les réseaux mobiles terrestres et les autres services. Il s’agit par exemple de déterminer les contraintes aux frontières que devront respecter tout satellite couvrant un pays, afin de protéger les réseaux mobiles des pays voisins mais aussi tout autre service qui peut être attribué et utilisé dans ces bandes. Mais d’autres questions règlementaires passionnantes se posent aussi, comme le cadre applicable dans les eaux internationales ou la coordination entre les différents réseaux satellitaires.  

Si certains pays européens souhaitent autoriser de tels services sans attendre la CMR-27, la question de l’élaboration d’un cadre provisoire européen se posera. Par ailleurs, ces nouveaux usages soulèvent des problématiques liées aux autorisations nationales, relevant en France de la responsabilité de l’Arcep et du ministère chargé des communications électroniques : la coexistence avec les autres réseaux, la concurrence, les appels d’urgence ou les possibilités d’interception légale. 

Pour traiter les enjeux de politique du spectre, le RSPG a initié, à la demande de la Commission européenne, la rédaction d’un avis qui devra bien délimiter les questions posées par ces services en matière de gestion du spectre et recommander la conduite à tenir en Europe face à ces services innovants.