3 questions à Laurent Zwahlen - Consultant en système wireless pour les Jeux Olympiques et Paralympiques

JOP 10 octobre 2024
Lors de sa participation aux Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), l’ANFR a travaillé en étroite collaboration avec le Comité d’organisation des JOP (COJOP) dont Laurent Zwahlen notamment sur la préparation de la méthodologie pour la définition du plan de fréquences, procédures test & tagging et au monitoring du spectre… Découvrez également comment la 5G privée a été utilisée durant cet évènement hors-norme.

Quel a été votre rôle durant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) ?

J’ai commencé ma collaboration avec le COJOP en mars 2020. Plus de 4 ans au cours desquels mes missions ont évolué et mon temps de travail s’est intensifié. J’ai fini par vivre à Paris à temps complet la dernière année.

Ma première mission a consisté à préparer la méthodologie pour la définition du plan de fréquences des JOP. Ce plan est indispensable car il permet de lister les bandes de fréquences mobilisables lors des Jeux afin que les demandeurs comme les chaînes médiatiques, le chronométrage, les sociétés de surveillances, etc. puissent faire leur demande d’attribution de fréquences pour leurs équipements sans fil : caméras, microphones, oreillettes, radios PMR, avion-relais, drones, motos, bateaux ou hélicoptères-caméra, etc.
Je me suis occupé ensuite du déploiement des infrastructures radio et de télécommunication mobiles pour les sports mobiles : le cyclisme sur route, les triathlons, les marathons et la marche. C’est mon domaine de prédilection car j’ai développé plusieurs solutions utilisées pour la retransmission TV de grands événements mobiles. Ce type d’épreuve demande une grande et minutieuse préparation pour les prises de vues, la transmission des images… Par exemple, pour le suivi des cyclistes en ligne, il faut des trackers équipés de carte SIM qui transmettent leur position via un réseau public de télécommunication. Pour analyser la qualité de la couverture et d’en identifier les zones blanches, il a fallu faire plusieurs fois les parcours pour que l’opérateur sache où améliorer sa couverture, soit avec de nouvelles antennes fixes soit avec des moyens mobiles temporaires installés sur des remorques.

Puis, en 2022, le COJOP a décidé d’évaluer le potentiel de la 5G privée pour le déploiement de nouveaux services hautes fréquences, qui devient de plus en plus complexe à cause de la saturation du spectre radioélectrique. J’ai donc eu la chance de pouvoir piloter ce projet.

Enfin, j’ai été impliqué dans l’organisation de la cérémonie d’ouverture, un défi hors-norme qui a nécessité des kilomètres de fibres optiques, des systèmes d’intercom, des réseaux PMR, des écrans vidéo géants, sans parler de la centaine de caméras fixes, de bateaux-caméra, d’hélicoptères, de drones et de 230 smartphones en streaming audio-video connectés sur un réseau 5G privé de 6 kilomètres de long.
 

 Quels sont vos liens avec l’ANFR et sur quels projets avez-vous travaillez ensemble durant les JOP ?

Ma collaboration avec l’ANFR a démarré dès mai 2020, lors de la préparation de la méthodologie de définition du plan de fréquences. Il s’agissait de catégoriser les différentes bandes de fréquences, d’évaluer ce qui était déjà disponible et d’analyser les possibilités d’aller chercher du spectre additionnel auprès de certains affectataires, notamment le ministère des Armées.

Dès le début, j’ai été impressionné par l’écoute, le professionnalisme et la grande connaissance des besoins de fréquences pour l’événementiel de la part des collaborateurs de l’Agence. Jamais on nous a dit « non » d’entrée et, si parfois une réponse se confirmait par la négative, nous savions que ce n’était pas faute d’avoir essayé ! Une relation de grande confiance s’est mise en place rapidement et ce fut un immense plaisir de travailler main dans la main avec les agents de l’ANFR.
En plus de l’énorme travail réalisé sur le plan de fréquences, nous avons également défini ensemble toutes les procédures de test & tagging et au monitoring du spectre. Grâce à un travail rigoureux, il a été possible de gérer sans problème plus de 45 000 demandes de fréquences et d’en allouer plus de 22 000 sur l’ensemble des JOP !

Quelles actions ont été mis en place dans le cadre de la 5G privée ?

Le défi majeur était de démontrer que la 5G privée pouvait offrir de nouvelles possibilités de déploiement de solutions HF, en complément des équipements traditionnels déjà largement utilisés.

Grâce à sa solution IP transparente et son mode de transmission entièrement duplex, la 5G privée permet de nouvelles possibilités au niveau de l’exploitation des systèmes HF, tout simplement en réduisant le nombre d’équipements TX/RX, d’antennes et de fréquences nécessaires ! A titre d’exemple, une interview entièrement sans fil se fait avec une caméra, 2 microphones, 2 oreillettes, un retour-vidéo, un contrôle-images et un système d’intercom. Cela nécessite près de 8 fréquences différentes dans les bandes VHF et/ou UHF et SHF. La même configuration avec une solution 5G Privée ne demande qu’une seule fréquence en SHF, si tous les services sont en IP.

Durant les JOP, il y a eu plusieurs cas d’utilisation.

Pour la cérémonie d’ouverture, il fallait transmettre les images en direct depuis les 84 bateaux de la parade sur la Seine. Le spectre dédié aux caméras sans fil était déjà presque entièrement alloué. Nous avons donc essayé le streaming depuis des smartphones mais qui risquait cependant d’être compliqué par la saturation des réseaux publics 4G et 5G utilisés par les nombreux spectateurs présents sur les bords de Seine. C’est pourquoi la 5G privée s’est imposée comme la solution idéale. Un dispositif composé de 230 smartphones a été installés sur les bateaux, 11 antennes accrochées aux ponts et une salle de gestion au Trocadéro, ce qui a permis un résultat spectaculaire avec des images et du son en complète immersion au milieu des délégations. A noter que la 5G privée a également permis de transférer plus de 30 000 clichés pris par des photographes mobiles vers le centre de presse de la Porte Maillot.

Pour les compétitions de voile à Marseille, la situation a été la même. Comment transmettre des images depuis le plan d’eau alors que tout le spectre disponible était déjà alloué pour les caméras HF. Seule solution : le streaming depuis des smartphones. Mais l’éloignement de plusieurs kilomètres entre les zones de compétition sur le plan d’eau et la marina rendaient impossible la réception les images et le son des smartphones directement à terre. Il a fallu déployer le réseau 5G privé composé de 10 smartphones par compétition installés sur les bateaux, 3 bateaux-relais, des liaisons HF en IP entre les bateaux relais et la marina.

Au Stade de France, à Paris La Défense Arena et au Paris Bercy Arena les enjeux étaient différents sur ces trois sites. Les caméras HF étaient déjà déployées en nombre suffisant. Ici, il s’agissait de tester la capacité des réseaux 5G privés à opérer des caméras professionnelles et à comparer leur possibilité d’exploitation avec celles déployées de manière conventionnelle. Et ceci avec une contrainte drastique : une latence globale de moins de 90 millisecondes et la possibilité de faire du contrôle-image en télécommande sur les caméras ! Le dispositif a donc été composé de 2 antennes et de 2 caméras professionnelles par site.

Pour finir, je tiens à préciser que sur l’ensemble des Jeux, il n’y a pas eu de problèmes de spectre et c’est essentiellement dû au travail rigoureux qui a été mené avec l’ANFR et l’Arcep pendant près de ces quatre années !