Thomas Welter

Chef du département Réglementation et Ressources Orbite/Spectre – Direction de la planification du spectre et des affaires internationales (DPSAI)

Pouvez-vous brièvement raconter votre parcours ?

Originaire du Luxembourg, j’ai commencé mes études supérieures à l’étranger. En 1990, j’ai entrepris un parcours en ingénierie électrique et électronique au Karlsruher Institut für Technologie (KIT) en Allemagne. Ayant fait ma 3ème année en Erasmus à Grenoble, j’ai su que je voudrais un jour vivre et travailler en France. C’est pourquoi j’ai, en plus de mon cursus au KIT, suivi un diplôme d’ingénieur en traitement statistique du signal et communications numériques à Télécom Sud Paris. En 1996, j’obtenais mes deux diplômes. J’ai occupé mon premier poste au sein de la Société Européenne des Satellites au Luxembourg dans le département de mécanique spatiale. On y utilisait des méthodes de traitement statistique du signal pour prédire la trajectoire de plusieurs satellites qui dansaient dans un petit cube autour d’une même position orbitale géostationnaire à 36 000 km . En 1998, je suis retourné en France où j’ai travaillé pour deux opérateurs de téléphonie mobile dans le domaine de la réglementation fréquences. Durant ces expériences j’ai notamment participé à l’essor de la 3G, de la 4G, et aux préparatifs de la 5G. Les moments clés de ces expériences furent les processus d’attribution des fréquences par enchères, parfois très complexes, mettant en œuvre des méthodes économiques pour l’attribution des droits d’utilisation d’une ressource publique à des acteurs privés. C’est ce qui m’a motivé à enrichir mes connaissances dans ces domaines en parallèle de mes différents postes. C’est en 2009 que j’ai suivi un master en économie, industries de réseau et économie numérique à Telecom Paris[1], puis en 2017 que j’ai fait un master en droit des activités spatiales et des télécommunications à l’Université Paris-Saclay. Tous ces bagages m’ont permis de rejoindre l’ANFR décembre 2017.

Quel est votre rôle en tant que chef du département Réglementation et Ressources orbite/spectre?

Mon rôle consiste à animer les différentes activités du département réglementation et ressources orbite/spectre. Avec mon équipe, constituée de quatre agents, nous gérons la coordination et la notification de l’ensemble des réseaux à satellites français à l’Union Internationale des Télécommunications ( UIT ) pour des opérateurs gouvernementaux et privés. Nous travaillons également pour trois organisations internationales ou groupes d’Etats qui ont choisi la France comme administration « notificatrice » à l’ UIT : l’Agence Spatiale Européenne, la Commission Européenne (pour le système de radionavigation Galileo) et l’organisation intergouvernementale EUTELSAT. Cela représente environ 760 dossiers en cours. En ce qui concerne les opérateurs privés, nous instruisons aussi les demandes d’autorisation d’exploitation des assignations de fréquences spatiales pour le compte du Ministre chargé des communications électroniques. Nous suivons les affaires institutionnelles de l’ UIT , en concertation avec le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, et du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères. Enfin, nous coordonnons les actions de coopération internationale de l’ANFR avec nos homologues des autres administrations. Ces échanges nous permettent de discuter des sujets qui seront abordés lors de la prochaine Conférence mondiale des radiocommunications ( CMR ).

Quelles sont vos missions ?

J’analyse quotidiennement différentes situations réglementaires relatives à la vie d’un projet à satellites. Les problématiques sont très variées, tout comme la nature des opérateurs français : des opérateurs étatiques, scientifiques ou militaires, des opérateurs privés de radiodiffusion ou télécommunications, de toutes petites start-ups... Nous aidons les opérateurs français dans toutes les étapes de leur projet : du choix des fréquences appropriées (si l’opérateur le souhaite), aux procédures de coordination et de notification de l’ UIT , les plaintes en brouillages en cas d’interférences préjudiciables, jusqu’à la résolution de litiges entre opérateurs ou administrations. Les projets des opérateurs français varient du cubesat de la taille d’une boîte à chaussures, aux satellites géostationnaires de plusieurs tonnes, en passant par des constellations de plusieurs centaines de satellites, ou encore des missions scientifiques dans l’espace lointain.
Une grande partie des procédures de l’ UIT se fait par correspondance. Hors période de crise sanitaire, nous organisons régulièrement des réunions de coordination satellite bilatérales entre administrations, une sorte de « speed-dating » où chaque opérateur français rencontre successivement les opérateurs satellite de l’autre administration et négocie les accords de coordination requis par les procédures de l’ UIT . Comme tous mes collègues de la DPSAI, je suis amené à représenter la France lors des négociations internationales relatives aux fréquences radioélectriques. J’ai l’honneur de présider un groupe de travail européen dédié à la préparation de la CMR -23 sur les sujets réglementaires satellites (CPG PTB).
Certaines journées sont aussi consacrées à l’échange avec nos homologues étrangers, principalement francophones, au sein de la Conférence des Administrations des Postes et Télécommunications des Pays d’Expression Française (CAPTEF).

Quelles qualités faut-il pour exercer ce métier ?

De par la dimension internationale qu’implique ce poste, il faut parler anglais, mais toute autre langue peut être utile. Lorsque je le peux, je parle l’allemand ou le luxembourgeois avec mes homologues du spatial. Aussi, pour exercer ce métier, il faut une bonne connaissance technique des systèmes de radiocommunications ainsi qu’une appétence pour les sujets juridiques, ou vice-versa, la règlementation fréquences étant un domaine à la fois technique et juridique. Il faut aussi aimer la négociation multilatérale et être à l’aise avec la prise de parole en public. J’ai d’abord appris à identifier et formuler les positions françaises au niveau national, puis à les défendre dans des instances européennes et internationales qui peuvent accueillir entre 100 et 3300 personnes, pendant les CMR par exemple.

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre travail ?

A l’ANFR j’apprécie le partage des connaissances, l’entraide et l’esprit d’équipe qui y règne. La bonne humeur, la confiance des collègues et la qualité des discussions rendent le travail très agréable. Lors des réunions internationales, j’apprécie l’échange et la construction de consensus par la négociation et le dialogue. Enfin, j’aime particulièrement la possibilité de pouvoir aider les entreprises françaises à construire et défendre leur projet spatial, et contribuer, à mon niveau, à la création d’emplois sur nos territoires. Ce poste me permet également d’avoir de grandes responsabilités et me donne l’opportunité de travailler avec des personnes qui sont mondialement reconnues.

 

 

[1] En partenariat avec l’Ecole Polytechnique, Centrale Supélec, l’Université Paris-Dauphine et l’Université Paris-Saclay.