Pouvez-vous brièvement raconter votre parcours ?
J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur en mécanique en 2015. Au cours de mon cursus j’ai fait deux stages : le premier dans un laboratoire de recherche d’une université au Pays-Bas et le second à l’ONERA, centre français de recherche aéronautique, spatiale et de défense. Mais j’ai eu l’envie d’aller plus loin. La réalisation d’une thèse était le format idéal pour continuer. J’ai eu l’opportunité de faire un doctorat dans un domaine intéressant, et traiter le sujet de la mesure de vitesses d’explosions par radar, avec le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique). J’ai ainsi découvert le domaine des fréquences que je n’avais pas abordé pendant mes études. C’est en janvier 2019 que j’ai rejoint le Pôle technique de Brest en tant qu’ingénieur radio.
Quel est votre rôle en tant qu’ingénieur radio ?
Je suis ingénieur radio à la Direction de la planification et des affaires internationales (DPSAI). Ma direction prépare les attributions de fréquences, conduit les études en matière de compatibilité électromagnétique et contribue à établir des règles d'ingénierie pour un usage efficace de ces ressources. Quant à moi, mon travail comprend deux aspects principaux :
Le premier est la réalisation d’études techniques. Elles permettent de préparer les positions françaises pour les différentes instances : au niveau national, européen (Comité des communications électroniques) et international (Union internationale des télécommunications). Je travaille de concert avec nos parties prenantes, les affectataires et les gestionnaires du spectre, pour savoir comment défendre les intérêts français face aux pays étrangers.
Le second axe est donc est la protection de ces positions grâce à des rencontres régulières avec des États, des grands industriels, des organisations internationales, comme l’organisation météorologique mondiale… L’objectif est de mettre tous les acteurs d’accord sur l’utilisation du spectre, en tenant compte des intérêts divergents de chacun. Il s’agit de trouver un consensus. Les négociations peuvent donc être intenses. Au terme de ces discussions, le texte de référence concerné sera alors modifié. Par exemple, pour les réunions du niveau international, c’est le Règlement des radiocommunications qui pourra être mis à jour.
Sur quels sujets travaillez-vous ?
Mon sujet principal est la protection des satellites qui communiquent avec une station terrienne fixe pour qu’il n’y ait aucun brouillage. Jusqu’en novembre dernier, mois pendant lequel s’est déroulé la Conférence mondiale des radiocommunications 2019 ( CMR -19), j’ai travaillé sur les conditions de coexistence des constellations géostationnaires et non géostationnaires (Space X, One web) dans la bande U (40-50 GHz). Cette bande de fréquence représente le futur des communications satellites.
Maintenant que la CMR -19 est terminée, nous préparons d’ores et déjà la CMR -23. L’une de mes problématiques concerne la communication entre satellites. Il s’agira pour moi de déterminer quelles conditions et quelles restrictions il sera nécessaire de mettre en place pour que ces communications puissent se faire sans perturber les autres services.
Quelles sont vos missions quotidiennes ?
Pour répondre à la problématique énoncée précédemment, c’est un travail de longue haleine qui durera près de 4 ans. Pour ce faire, je dois réaliser de multiples études et simulations. Comme il n’y a pas d’outil adéquat, je dois d’abord en développer un. Ensuite j’élabore des scénarios : qui va communiquer avec qui, par quels moyens, vérifier les potentiels brouillages… Il en découlera la création de critères de protection, des études de partages… Je dois aussi prendre en compte le cadre réglementaire, qui n’existe pas toujours pour les cas que je traite. C’est un réel travail de fond. Je travaille seul sur ces sujets, mais je suis régulièrement en contact avec les affectataires et industriels concernés. Nous nous rencontrons lors de comités ou de réunions plus informelles. Notre objectif commun est la préparation des positions françaises face à nos homologues étrangers.
Je suis parfois amené à travailler sur des sujets transversaux, mais qui seront toujours en lien avec les satellites.
Quelles qualités faut-il pour exercer ce métier ?
Etant donné la dimension internationale, tous les documents et les réunions sont en anglais. Il faut donc le parler couramment. Il est évidemment crucial d’avoir les compétences techniques adaptées, et aimer les développer, se surpasser, aller toujours plus loin. Aussi, au vu de l’amplitude des projets, il est nécessaire d’être autonome et d’avoir un esprit d’analyse aguerri. Enfin, comme on est amené à rencontrer de nombreuses personnes, il est nécessaire de savoir travailler en équipe et de ne pas avoir peur de prendre la parole en public.
Qu’est-ce que vous plaît dans votre travail ?
J’apprécie particulièrement le cheminement des sujets qui me sont confiés : le préparer, adopter une position, la défendre et argumenter face à des gens qui ne partagent pas forcément le même avis. C’est challengeant. Il y aussi évidemment, la nature technique du sujet : les communications satellites me passionnent. De plus, on est dans le siège de celui qui voit arriver les innovations. Je suis aux premières loges, je participe et assiste au changement, à l’évolution technologique.