La protection des radioaltimètres vis-à-vis de la 5G - les nouveaux développements dans le monde
Le 8 octobre 2020, la RTCA (Radio Technical Commission for Aeronautics), organisation de droit américain composée de représentants d’entreprises ou d’administrations dans le domaine du transport aérien, publiait un rapport faisant état de risques de brouillages de certains radioaltimètres par la 5G. Les radioaltimètres sont des systèmes embarqués de mesure de l’altitude des avions et des hélicoptères, opérant dans la bande 4200-4400 MHz. Les risques de brouillages sont dus selon ce rapport aux nouvelles fréquences de la 5G (3 400-4 200 MHz dite « bande C »), dont une partie (« bande 3,5 GHz ») était en cours d’autorisation en France lors de la publication du document. Les discussions menées entre l’Agence nationale des fréquences, l’Aviation civile, l’Arcep et les ministères concernés, ainsi qu’avec les différentes parties prenantes (industrie aéronautique, équipementiers et opérateurs 5G), avaient conduit à prendre, dans l’attente d’études complémentaires, des mesures immédiates de précaution pour les déploiements 5G qui ont débuté à la fin de l’année 2020. Ces mesures consistaient à restreindre le déploiement dans des zones de sécurité et de précaution autour des aéroports, ainsi qu’à contraindre les antennes des stations de base 5G à pointer vers le bas. Au premier trimestre 2021, les zones de contraintes ont été allégées pour les limiter aux 17 aéroports français où des atterrissages de faible visibilité sont autorisés, ainsi qu’à 10 hélistations. La contrainte de pointage a, quant à elle, été restreinte aux seules zones proches de ces aéroports et de certaines hélistations.
Depuis, l’ANFR a réalisé avec l’opérateur Free mobile et la Direction générale de l'armement (DGA) deux campagnes de « dérisquage » sur site pour répondre au besoin spécifique des hélicoptères de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile. En effet, ces derniers doivent pouvoir intervenir partout sur le territoire et à tout moment pour assurer leurs missions. Ces campagnes n’ont décelé aucun impact de la 5G sur le fonctionnement des radioaltimètres de ces hélicoptères, permettant ainsi d’être raisonnablement confiant quant à leur résilience. Par ailleurs, des études ont été lancées dès janvier 2021 au niveau européen (CEPT) pour approfondir les travaux sur la protection des radioaltimètres vis-à-vis de la 5G, en cours de déploiement dans cette bande dans de nombreux pays européens.
L’EASA (Agence européenne de la sécurité aérienne) n’ayant pas requis de mesures immédiates, aucun autre pays de l’Union n’a appliqué de contraintes de protection, à l’exception de la République Tchèque qui a annoncé appliquer les mêmes dispositions qu’en France pour l’aéroport de Prague. En dehors de l’Europe, seul le Japon avait pris des mesures comparables.
Les discussions ont néanmoins été relancées en Amérique du Nord depuis quelques mois. Le Canada a ainsi adopté cet été des mesures semblables à celles prises en France. La contrainte de pointage, limitée à certaines zones en France, s’y applique sur tout le territoire, compte tenu d’une perception accrue des risques de brouillages des radioaltimètres des hélicoptères privés, largement utilisés comme moyen de transport dans ce pays de grands espaces.
Après des enchères fin 2020 aux Etats-Unis ayant rapporté plus de 80 milliards de dollars, la 5G devait y être déployée à partir de décembre 2021 dans la bande 3,7-3,98 GHz, plus proche de la bande des radioaltimètres qu’en France. Mais la FAA (Federal Aviation Administration) a tiré la sonnette d’alarme le 2 novembre 2021 en annonçant qu’elle allait conduire une analyse de risque et demandant la mise en place de restrictions concernant les vols des avions équipés de radioaltimètres susceptibles d’être affectés. Cette déclaration a déclenché d’intenses négociations entre la FAA, la FCC et les opérateurs américains concernés, AT&T et Verizon. Ceux-ci ont d’abord annoncé un décalage d’un mois de leur déploiement et ont proposé fin novembre plusieurs mesures pour réduire l’impact éventuel de la 5G sur les radioaltimètres. La FAA considérant ces mesures insuffisantes, le secrétaire aux transports, Pete Buttigieg, a demandé le 31 décembre aux opérateurs la mise en place de « buffer zones » (zones tampons) autour d’une cinquantaine d’aéroports prioritaires pendant 6 mois et un délai supplémentaire de 15 jours pour les premiers déploiements.
Les deux opérateurs, dans leur réponse du 2 janvier dernier, ont explicitement renvoyé vers les dispositions prises en France. Ils ont proposé de retenir la méthodologie française pour définir les « buffer zones » où aucune station 5G ne sera déployée dans les 6 prochains mois. Le délai de 15 jours a ensuite été entériné après un ultime round de négociation. L’issue favorable de ces discussions a été saluée par le président américain Joe Biden, remerciant les deux opérateurs ainsi que la FAA, la FCC et l’industrie aéronautique, des efforts accomplis.
Ce débat aux Etats-Unis a eu un écho mondial et de nombreux pays, comme le Brésil, examinent désormais d’éventuelles mesures de protection des radioaltimètres. Au niveau européen, cela a relancé l’intérêt pour des études lancées début 2020 par la CEPT, sous l’impulsion de la France, et qui n’avaient que peu progressé depuis lors. Les 6 prochains mois vont être cruciaux des deux côtés de l’Atlantique, pour approfondir l’analyse technique afin de mieux comprendre les risques de brouillages identifiés initialement dans le rapport RTCA.
Par ailleurs, une révision des normes par la RTCA et l'EUROCAE (Organisation européenne pour l'équipement de l'aviation civile) est en cours, afin de mieux garantir le niveau de performance des radioaltimètres en présence de 5G dans les bandes en-dessous de 4,2 GHz. C’est en effet en assurant une mise à niveau des radioaltimètres les plus sensibles aux brouillages que la 5G pourra poursuivre sans contrainte son déploiement autour des aéroports.