La protection de la bande passive 23,6-24 GHz : après la décision de la CMR-19, des choix européens s’imposent

20 décembre 2019

Durant toute la préparation et jusqu’aux dernières heures de la Conférence mondiale des radiocommunications 2019 (CMR-19), un sujet a provoqué des débats houleux : la protection de la bande passive 23,6-24 GHz vis-à-vis des systèmes 5G qui seront autorisés dans la bande 26 GHz. Cette bande est en effet indispensable pour la mesure de la concentration en vapeur d’eau de l’atmosphère et, par conséquent, pour les prévisions météorologiques et le suivi du changement climatique. Les satellites européens concernés sont ceux du programme Copernicus et de l’Agence européenne Eumetsat. 

Les conditions techniques imposées aux équipements 5G en Europe (Décision (EU) 2019/784,) sont le résultat de multiples études conduites par la CEPT et l’UIT-R. Elles définissent un niveau de pollution dans la bande passive 23,6-24 GHz sous forme de limites de puissance totale rayonnée (TRP) :

  • -42 dBW/200 MHz pour chaque station de base ;
  • -38 dBW/200 MHz pour chaque terminal.


Avec ces valeurs, le risque de brouillage, même dans 10 ou 20 ans, restera faible, malgré les incertitudes qui demeurent sur les scénarios de développement de la 5G à 26 ou 28 GHz : densité des stations, pointage et hauteur des antennes, diagramme antennaire, etc.

Lors de la CMR-19, un compromis a dû être trouvé entre ces valeurs européennes,  également soutenues par la Russie et la Chine, et celles défendues par les États-Unis et la Corée (14 dB de moins, donc environ 25 fois moins protectrices qu’en Europe) et les pays africains et arabes (10 dB de moins, donc 10 fois moins protectrices).

Ces pays donnaient en effet la priorité à un déploiement sans surcoût et plus rapide de la 5G en réfutant tout risque de brouillage des satellites d’exploration de la Terre. La CMR-19 a finalement adopté des limites de puissance totale rayonnée de -33 dBW/200 MHz, soit 8 fois moins protectrices que l’objectif européen, jusqu’en septembre 2027. Elles seront ensuite renforcées pour atteindre -39 dBW, ce qui reste 2 fois moins protecteur que prévu. Le principe d’une approche en deux étapes visait à consentir une contrainte réduite dans la phase de démarrage des services, tout en apportant les meilleures garanties au moment du déploiement massif de la 5G en bande millimétrique, qui pourrait créer des brouillages.

Aujourd’hui, le relâchement des limites par rapport aux recommandations européennes et le délai de transition font peser une incertitude à moyen et long terme sur l’avenir des prévisions météorologiques et du suivi du changement climatique. L’organisation mondiale de la météorologie (OMM) et de nombreux pays, dont la France, ont manifesté leurs inquiétudes et exprimé leurs réserves lorsque la conférence a entériné ce compromis.

Immédiatement après la CMR-19, la Commission européenne a demandé aux États membres s’il convenait de réviser les limites de la Décision (EU) 2019/784. En effet, elle doit apporter au plus vite la visibilité réglementaire aux États membres et aux équipementiers. Dans ce débat, la question essentielle reste la capacité de l’Europe à imposer la conception d’équipements 5G moins polluants pour les bandes passives. Une protection renforcée au-dessus de l’Europe seulement n’aurait toutefois qu’un intérêt limité :

  • les prévisions météorologiques requièrent la disponibilité de données fiables sur l’ensemble du globe ;
  • l’Europe doit aussi préserver sa dynamique industrielle en faveur de la 5G.


Les premières positions affichées par les États membres montrent que le débat sera intense. Certains pays souhaitant un simple alignement avec les décisions de la CMR-19 tandis que d’autres, comme la France, souhaitent que l’Europe soit plus ambitieuse en orientant les développements industriels sur la 5G en faveur d’une meilleure protection de l’exploration de la Terre. Cela pourrait conduire à conserver le principe d’une approche en deux étapes, mais en réduisant la période de transition et en conservant comme objectif ultime le niveau que l’Europe considère comme nécessaire pour la protection à long terme des satellites.