La 5G avance à grands pas : les bandes 26 GHz et 3,4-3,8 GHz harmonisées en Europe
La bande 3,4-3,8 GHz est considérée en Europe, depuis le premier avis RSPG sur la 5G en 2016, comme la principale bande pour le lancement de la 5G. Cela a été confirmé par de nombreux pays en dehors de l’Europe et les enchères récentes au Royaume-Uni ou en Corée ont montré la valeur de ces fréquences (environ 300 millions de livres pour 40 MHz au Royaume-Uni, 1 milliard d’euros pour 100 MHz en Corée).
Par ailleurs, l’utilisation par la 5G des bandes millimétriques permettra d’atteindre des débits allant jusqu’à 10 Gbit/s mais représente un saut technologique important que les opérateurs n’introduiront que de manière progressive sur certains « hot spots ». Les enchères en Corée ont montré que la valeur des bandes millimétriques était bien plus faible que la bande 3,5 GHz : environ 150 millions d’euros pour 800 MHz. L’avis du RSPG utilisait d’ailleurs le terme de « bande pionnière 5G » pour le 26 GHz (24,25-27,5 GHz).
Lors d’une réunion de l’ECC début juillet, la CEPT a harmonisé les conditions techniques d’utilisation de ces deux bandes afin qu’elles soient adaptées à la 5G. Cela s’est traduit par des décisions ECC et des rapports de la CEPT à la Commission européenne. La Commission souhaite désormais rendre obligatoire l’utilisation de ces conditions techniques harmonisées en adoptant des décisions d’harmonisation de l’Union européenne avant la fin de l’année.
La bande 3,4-3,8 GHz était déjà harmonisée en Europe pour les réseaux 4G même si, en France par exemple, les déploiements ont été limités à des réseaux d’accès fixe. L’harmonisation pour la 5G a donc consisté à prescrire le mode « TDD » (multiplexage temporel), à prendre en compte les problématiques de synchronisation (voir newsletter de juin 2018) et à établir des contraintes techniques compatibles avec l’utilisation d’antennes actives, composants essentiels de la 5G et dans lesquelles amplificateurs et filtres sont directement intégrés aux antennes.
Ce dernier point implique que la protection des services en bande adjacente devient plus délicate avec la 5G : il n’est en effet plus possible d’ajouter un filtre externe à une antenne standard livrée par un constructeur. Dans la bande 3,4-3,8 GHz, la CEPT a donc dû étudier avec attention la question de la protection des bandes radars en-dessous de 3,4 GHz. Par rapport aux conditions techniques qui prévalent pour la 4G, un relâchement de près de 20 dB a été apporté, ce qui est considérable. Cela a été obtenu grâce à une coopération étroite entre l’ANFR et le ministère de la Défense, qui a permis de prendre en compte l’aspect statistique du brouillage afin d’ajuster les contraintes sur les stations de base aux besoins de protection des différents types de radars utilisés par la Défense.
L’utilisation d’antennes actives a soulevé un problème similaire pour la définition des conditions techniques applicables à la bande 26 GHz. En effet, cette bande est presque mitoyenne de la bande passive 23,6-24 GHz utilisée par quasiment tous les satellites d’observation de la Terre, indispensables pour la prévision météorologique et l’étude du changement climatique. Compte tenu des décisions attendues de la CMR-19 sur l’identification des bandes 5G au-dessus de 24 GHz, les études sur ce point ont été principalement menées au sein de l’UIT-R, avec une modélisation détaillée du risque de brouillage des satellites d’exploration de la Terre et des simulations développées par de nombreux acteurs européens tels que l’ANFR, l’OFCOM, l’ESA, Ericsson ou Nokia. Les résultats de ces simulations convergent et les industriels ont fait valoir les difficultés qu’ils auront à assurer la protection des satellites d’exploration de la Terre. Des discussions extrêmement difficiles se sont alors engagées sur les hypothèses à prendre en compte et sur le juste niveau de protection. Le compromis obtenu lors de la réunion de la CEPT début juillet devrait conduire à réduire la bande de travail des premiers équipements 5G disponibles, mais le maintien de la capacité des satellites à observer la Terre est à ce prix.
Par ailleurs, la 5G dans la bande 26 GHz sera en partage avec des services spatiaux tels que le système EDRS de collecte de données, développé conjointement par l’ESA et Airbus D&S, et le service fixe par satellite. Sur la base des hypothèses actuelles sur les caractéristiques des stations 5G, ce partage ne poserait pas de difficulté. Néanmoins, la communauté spatiale s’est inquiétée des risques d’évolution de la 5G qui pourraient conduire à plus long terme à brouiller les satellites. Bien que cela ne réponde pas entièrement aux inquiétudes du secteur spatial, la CEPT a introduit dans la réglementation des conditions encadrant le pointage des antennes de stations de base (pour éviter qu’elles n’émettent vers le ciel). Elle conduira une revue tous les 5 ans des caractéristiques réelles de la 5G afin d’identifier toute évolution susceptible de présenter un risque de brouillage des satellites.
Enfin, des travaux restent en cours, au sein de la CEPT, pour aider les administrations à assurer la coexistence entre la 5G et les stations terriennes qui utiliseront la bande 26 GHz, notamment celles qui vont recueillir les données des satellites d’observation de la Terre ou encore pour organiser un partage, au moins dans une phase transitoire, avec les faisceaux hertziens présents dans la bande. D’autres travaux, dans la bande 26 GHz comme dans la bande 3,4-3,8 GHz, portent sur les mesures que pourront prendre les administrations pour faire coexister des réseaux 5G non synchronisés ou les coordonner aux frontières.