Citizens Broadband Radio Service (CBRS) : un système de partage dynamique dans la bande 3,5 GHz

06 mars 2020

Le 27 janvier, la Federal communications commission (FCC), le régulateur américain, a officiellement lancé le Citizens broadband radio service (CBRS). Le CBRS est un système de partage dynamique dans la bande 3 550-3 700 MHz. Cette bande, aussi appelée innovation band, permettra d’étendre la couverture et la capacité des services LTE des opérateurs, mais aussi la mise en place des nouvelles utilisations mobiles (5G, IoT…). Cette bande est pour l’instant principalement utilisée par la US Navy, le ministère de la Défense et les fournisseurs de services de communication par satellite. 

Après une procédure de certification complexe, ce sont finalement les sociétés CommScope, Federated Wireless, Google et Sony qui ont été autorisées à fournir le système d’accès au spectre (SAS) qui gèrera les droits des utilisateurs L’entreprise Amdocs qui utilise la technologie de la société française Red Technologies devrait les rejoindre fin mars.

Cette annonce est l’aboutissement de près de 5 ans de négociations entre la FCC, le NTIA (agence gérant les fréquences gouvernementales), le ministère américain de la Défense (DoD) et de l’industrie mobile regroupée dans le Wireless Innovation Forum. Ce dernier vise à rendre disponible la bande 3 550-3 650 MHz pour les usages commerciaux,  en plus de son utilisation par les nombreux systèmes gouvernementaux, notamment des radars maritimes. Cette bande complètera la bande 3 650-3 700 MHz qui avait été précédemment attribuée à des utilisations sous autorisation générale (bande libre) et qui est maintenant intégrée dans le CBRS.

Le système de partage adopté par la FCC distingue trois niveaux, dits tiers en anglais :

  • Niveau 1 - Accès des titulaires (Incumbent access) : les utilisateurs fédéraux existants comme la Défense pour les radars maritimes, et certaines stations terriennes en réception.
  • Niveau 2 - Accès prioritaire, (Priority Access- PA) dans la bande 3 550–3 650 MHz : accès pour les opérateurs ayant obtenu une autorisation individuelle (PAL). Ils peuvent déployer leurs systèmes dans un ou plusieurs blocs de 10 MHz sur une zone géographique donnée (3000 counties). Les PAL sont autorisées pour une durée de 10 ans renouvelable. Afin d’assurer un accès au spectre par le niveau 3, seuls 7 blocs peuvent faire l’objet d’une PAL. Dans une même zone, un utilisateur peut obtenir jusqu’à 4 autorisations sur les 7. La FCC prévoit les enchères pour les PAL le 25 juin prochain.
  • Niveau 3 - Accès sous autorisation général (General authorised access- GAA),  permis dans l’ensemble des 150 MHz : accès ouvert et flexible pour de nombreux utilisateurs potentiels. L’utilisateur GAA ne doit causer aucun brouillage aux utilisateurs titulaires et PA, et doit accepter les brouillages causés par ces derniers. Il  ne jouit d’aucun droit de protection vis-à-vis des autres niveaux.


Les usages prioritaires (le niveau 1) bénéficient d’une protection vis-à-vis des niveaux 2 et 3.  Les utilisations PAL (niveaux 2) sont protégées contre les brouillages causés par les services GAA (niveau 3). Les tiers 2 et 3 constituent le Citizens Broadband Radio Service, nom également utilisé pour se référer plus généralement au dispositif de partage.

Le SAS met en œuvre les règles définies par la FCC concernant la compatibilité pour la protection des niveaux 1 et 2. Deux catégories de stations sont autorisées :

  • La catégorie A s’approche des conditions applicables aux points d’accès WiFi (1 W de PIRE dans 10 MHz) ;
  • La Catégorie B permet des couvertures plus larges (50 W de PIRE dans 10 MHz). Elle ne peut être autorisée que par des SAS utilisant des réseaux de capteurs déployés le long des côtes américaines pour détecter la présence des radars maritimes.


Les règles de la FCC définissent aussi :

  • Les solutions de géolocalisation. Pour la catégorie A, un particulier peut donner son adresse ; en catégorie B, seuls les professionnels peuvent le faire.
  • La certification des SAS ;
  • La sécurisation de la connexion des équipements aux SAS grâce à un système de certificats de sécurité.


En Europe, cette bande fait partie de la principale bande identifiée pour la 5G, 3 400–3 800 MHz. Mis à part quelques stations terriennes, en l’absence d’usage sous autorisation générale,  la mise en place d’un système de partage dynamique était inutile. En effet, la 5G bénéficie en Europe de conditions techniques beaucoup plus favorables qu’aux États-Unis,  notamment l’absence de restriction de puissance pour les stations de base « macro », avec, sur le terrain, des PIRE qui dépasseront 70 dBm. La FCC a d’ailleurs annoncé l’organisation d’enchères pour décembre 2020 dans la bande 3 700 – 4 000 MHz où ce type de stations pourrait être déployé. Ces enchères restent cependant tributaires de négociations  avec les opérateurs satellites et le Congrès pour libérer la bande.   

Le CBRS dans la bande 3,5 GHz aux États-Unis, mais aussi le précédent des espaces blancs des bandes de la télévision, ont permis l’émergence  de solutions de partage du spectre reposant sur des systèmes dynamiques comme le SAS. Il s’agit d’une tendance de fond de la gestion des fréquences et ces expériences de partage dynamiques pourront être réutilisées dans d’autres bandes. 

L’Europe devrait également mettre en œuvre un partage dynamique dans certaines bandes en s’appuyant sur l’expérience américaine et sur les travaux de la CEPT et de l’ETSI. Ces deux instances ont accompagné l’introduction un cadre réglementaire pour les espaces blancs des bandes de la télévision au Royaume-Uni. La CEPT étudie actuellement  l’introduction de RLAN/WiFi en partage avec le service fixe (faisceaux hertziens) et le service fixe par satellite dans la bande 6 GHz. Ce cas pourrait fournir un premier cas pratique de l’introduction d’un tel système d’accès au spectre en Europe.