Préparer l’arrivée de la 6G en 2030 !

30 mai 2024
Les générations de technologies mobiles s’enchaînent sur un rythme décennal depuis la 3G en 2000, avec la 4G en 2010, la 5G en 2020 et désormais la 6G, dont le lancement est prévu à l’horizon 2030

Cette cadence reflète celle du cycle de recherche et développement mais aussi du processus de normalisation. Toutefois, il faut garder à l’esprit que ces technologies continuent à évoluer au cours de ces périodes. Par exemple, bien que la 5G ait commencé son déploiement fin 2020, c’est seulement aujourd’hui que les opérateurs mobiles mettent en service de nouveaux cœurs de réseau « 5G stand-alone », indispensables pour fournir l’ensemble des fonctionnalités attendues pour cette nouvelle génération : IoT, « slicing » (qualité de service adaptée aux différents services), etc.

 

L’Assemblée des radiocommunications de l’UIT a adopté en novembre 2023 la Recommandation UIT-R M.2160 qui définit le cadre et les objectifs du développement de l’IMT-2030, dénomination UIT pour la 6G. Cette recommandation est le résultat du travail de l’UIT-R qui a rassemblé depuis 2021 les propositions des différents acteurs (organismes de recherche ou de normalisation, équipementiers, opérateurs) pour consolider une vision de la 6G.

 

La Recommandation résume cette vision par deux figures.

 

La « roue » illustre le fait que la 6G prolongera la 5G, souvent schématisée par le triangle central : la 6G améliorera le débit (« immersive communication »), le nombre d’objets connectables (« massive communication ») ou la latence et la fiabilité des communications (« hyper reliable and low-latency communication »). Elle intégrera aussi de nouveaux cas d’usages fondés sur la capacité de détection de l’environnement, l’intelligence artificielle native et des communications ubiquitaires qui tireront parti des couvertures satellitaires.

 

Ces cas d’usage doivent exploiter de nouvelles capacités attendues de la 6G, qui apparaissent en vert dans la seconde figure, elle aussi circulaire, la « palette ».

La question qui intéresse directement l’ANFR est bien sûr le choix de nouvelles bandes de fréquences pour la 6G. Tout d’abord, les bandes déjà utilisées par les opérateurs mobiles devraient aussi être utilisables pour la 6G, ce qui nécessitera de revoir les conditions techniques harmonisées associées. La 6G, à l’instar de la 5G, prévoira la possibilité d’utiliser plusieurs technologies mobiles dans un même bloc de fréquences (« DSS », dynamic spectrum sharing, ou « MRSS », Multi-RAT spectrum sharing).

 

Au-delà de ces bandes existantes, on entend souvent parler à propos des recherches sur la 6G de l’utilisation des bandes « sub-TeraHertz », ce qui correspond à la gamme allant de 100 à 300 GHz. Dans ces hautes fréquences, plusieurs blocs de plusieurs GHz de spectre sont encore peu ou pas utilisées. Or, elles pourraient permettre de débits de plusieurs dizaines de Gbit/s, mais sur une courte distance, ce qui supposerait que les antennes-relais quittent les toits pour se rapprocher des usagers ! Toutefois, plusieurs bandes dans cette gamme sont aussi utilisées pour des observations passives, radioastronomie ou exploration de la Terre par satellite : la CMR-27 devra établir, dans le cadre du point 1.18 de son ordre du jour, les conditions de protection que devraient respecter à terme de futures stations 6G dans ces bandes. A l’image des bandes millimétriques pour la 5G (26 GHz, 42 GHz) qui présentent toujours un défi pour le marché de la téléphonie mobile du fait du très grand nombre d’antennes-relais nécessaire pour les exploiter, la perspective d’utilisation des bandes Sub THz par la 6G ne pourra s’inscrire que sur le long terme.  

 

Entre les bandes existantes et le Sub-THz se trouve une question plus actuelle : quelles ressources en fréquences mettre à disposition pour accompagner le lancement de la 6G sur un marché de masse à l’horizon 2030 ? Des candidates naturelles sont de nouvelles bandes « intermédiaires » associant largeur de bande suffisante pour offrir les débits attendus pour la 6G et propagation assez robuste pour offrir une bonne couverture, au moins dans les zones urbaines et suburbaines. Pour la 5G, c’est la bande 3,4-3,8 GHz a joué ce rôle. Pour la 6G, la seule nouvelle bande envisageable à cette échéance serait la 6 GHz « haute » (6 425-7 125 MHz). En effet, des usages critiques pour les utilisations gouvernementales ou spatiales rendent les autres bandes à l’étude pour la CMR 27 inexploitables, jusqu’à 20 GHz.

 

La bande 6 GHz haute a été identifiée à la CMR-23 à cet effet mais elle est aussi envisagée comme extension de la bande 6 GHz basse (5 945-6 425 MHz) déjà harmonisée pour les RLAN (WiFi) en Europe et dans de nombreux pays. La CEPT étudie actuellement des solutions techniques éventuelles de partage entre ces deux technologies. Pour donner la visibilité attendue, les Etats membres, au sein du RSPG, débattent de la future harmonisation de cette bande soit pour la 6G, soit pour les RLAN (Wifi), soit pour un cadre partagé entre ces deux applications sur tout ou partie de la bande. Ces travaux devraient se conclure à la mi-2025 après la publication d’un rapport sur l’intérêt d’une bande capacité/couverture pour le lancement de la 6G. Compte tenu des enjeux, la Commission européenne devrait dans les prochains mois confier à la CEPT un mandat d’harmonisation sous la Décision Spectre.

 

Cette étape une fois franchie, les Etats membres, au sein du RSPG, devraient s’engager dans la rédaction à l’horizon 2026 d’une feuille de route « fréquences pour la 6G » à l’instar de l’avis qui avait été publié par le RSPG en 2016 pour la 5G. Elle devra aussi aborder les questions de l’utilisation de la 6G par les verticaux mais aussi de l’intégration d’une composante spatiale (NTN, « non terrestrial networks ») et des enjeux de fréquences associés.