Menace sur la cérémonie d’ouverture
A une semaine de la cérémonie, malgré le secret qui a couvert tous les préparatifs, tout semble sous contrôle. Alors que l’effervescence monte, « Paris, we’ve got a problem! » : un appel vient soudain obscurcir le tableau…
Une chorégraphie sans musique
« Les artistes n’entendent pas tous la musique et les ordres des chorégraphes ! Entre Bercy et le Trocadéro, ils perdent complètement le son par endroits. On vient de faire quelques essais, c’est affreux, nos émetteurs ne passent pas ».
Il s’agit de la musique pour les danseurs : ce programme, évidemment critique pour la synchronisation du spectacle, n’avait pourtant pas été oublié. Les organisateurs souhaitaient qu’il soit diffusé en FM, pour que les artistes puissent utiliser un récepteur discret, peu coûteux et très léger. Mais voilà, la bande FM à Paris est l’une des plus denses du monde ! Il avait donc fallu autoriser une fréquence plus basse, qui pouvait néanmoins fonctionner avec des récepteurs japonais. En effet, la bande FM fonctionne au Japon entre 76 et 88 MHz, bien au-dessous de la bande française saturée (87.5-107.9 MHz). Après plusieurs mois, ce n’est qu’in extremis que les émetteurs FM ad-hoc, longtemps attendus par l’ANFR qui aurait pourtant souhaité les tester, ont été déployés. A J-7, la cruelle vérité apparaît : ils ne couvrent pas tout le parcours ; et en particulier pas les abords de la Tour Eiffel, où toute la cérémonie va pourtant converger !
La Tour Eiffel, problème ou solution ?
Le temps presse pour rendre à tous les artistes musique et instructions des chorégraphes, sur toute la distance du spectacle, et sans interférence. Des réunions d’urgence sont organisées avec tous les acteurs-clés, en particulier avec l’Arcom, régulateur de l’audiovisuel, et TDF, principal diffuseur à la Tour Eiffel. Le problème est vite identifié : la Dame de fer émet à une puissance élevée pour couvrir en FM toute l’Ile-de-France : ce ne sont pas quelques émetteurs disposés le long de la Seine qui sont de taille à lutter avec elle ! Comme des réverbères dans la brume, ils ne créent qu’une couverture locale, confinée à leur voisinage immédiat. Une première suggestion serait de diminuer la puissance des radios FM de la Tour Eiffel. Mais c’est impossible : de nombreux auditeurs franciliens perdraient leurs stations FM – sans parler des difficultés techniques et réglementaires d’une telle opération.
« Et si, au lieu de multiplier les émetteurs de faible puissance le long du fleuve, on émettait directement depuis la Tour Eiffel ? ». Solution audacieuse, mais risquée : la Tour Eiffel diffuse de nombreuses radios FM, ajouter de nouvelles émissions, même moins puissantes, pourrait altérer la réception de certaines radios. Mais après tout, pourquoi pas… Alors, un test est envisagé : émettre à 1 kW depuis la Tour Eiffel, en sécurisant via deux fréquences en toute haute bande FM.
La nuit porte conseil
Il faut désormais s’assurer de l’absence de perturbations dans tout le Bassin Parisien. Comme les fréquences aéronautiques débutent dès 108 MHz, il faut en particulier protéger l’aviation civile – dans une région de plaine qui compte tout de même trois aéroports internationaux et de multiples aérodromes. Pour cela, après analyses, les essais vont être conduits au cœur de la nuit, afin d’évaluer les risques.
Un soir après minuit, une équipe de diffusion est en place à la Tour Eiffel tandis que trois équipes, de l’ANFR, de l’Arcom et de TDF, commencent à sillonner la région à bord de véhicules de contrôle, afin d’effectuer des mesures. En cette nuit d’été, les premières fréquences tests sont enfin activées… « La réception est claire ici, à Plailly, dans l’Oise » informe un agent, « pas de perturbation du côté de Rochefort-en-Yvelines non plus », confirme un autre. Les messages se succèdent au fil des déplacements des équipes. Et, au petit matin, les résultats des tests apparaissent finalement encourageants. Les nouvelles fréquences FM devraient pouvoir être utilisées temporairement sans provoquer de perturbations critiques. Pour sécuriser le dispositif, la diffusion est tout de même lancée bien en amont de la cérémonie.
Quelques ultimes travaux pratiques…
Voilà une bataille de gagnée, mais pas encore la guerre ! En effet, en radio, l’émission ne suffit pas, il faut aussi penser à la réception. Et un nouveau défi apparaît aussitôt… En effet, les récepteurs prévus pour les artistes sont trop peu sélectifs pour l’environnement radio complexe des quais parisiens : ils perdent encore le signal par moment, ou captent des parasites. « Ces boîtiers ne sont tout simplement pas calibrés pour fonctionner dans une zone où la radio est aussi dense » constate un agent de l’ANFR. Pour y remédier, les équipes de l’organisateur se résolvent à procéder à une intervention minutieuse : modifier manuellement chacun des récepteurs ! Plus d’un millier de récepteurs sont ainsi démontés et recalibrés, un par un : un travail fastidieux, mais nécessaire.
Après tous ces efforts, une dernière répétition générale… Les ordres des chorégraphes et la musique passent enfin sans encombre, aucun signe de brouillage : les signaux sont assez puissants, les récepteurs modifiés captent sans interférence.
Et c’est ainsi que, lorsque le jour J est arrivé, tout a bien fonctionné. Tout ? Enfin… presque : la pluie, d’abord modérée, puis intense, s’est invitée dans la scénarisation. Mais heureusement, le chorégraphe a pu communiquer avec ses artistes, pour tout ajuster en temps réel ; et le spectacle a ainsi été à la hauteur de l’événement !