Mehdi RAMDANI
Pouvez-vous brièvement raconter votre parcours ?
J’ai obtenu mon master 2 en systèmes électroniques et systèmes informatiques à l’université Pierre et Marie Curie (PARIS VI) en 2013. J’ai ensuite rejoint la société ART-Fi où j’ai passé 7 ans. J’y ai débuté en tant que jeune ingénieur radiofréquence où j’ai principalement œuvré à la conception et la validation de cartes électroniques radiofréquences qui permettent de mesurer le champ électromagnétique émis par des antennes. J’ai ensuite évolué vers le poste d’ingénieur système. J’ai pu travailler sur la conception des méthodes d’étalonnage d’un banc de mesure DAS (débit d’absorption spécifique) permettant de quantifier l’énergie transportée par les ondes électromagnétiques absorbée par le corps humain. Pour un appareil destiné à faire de la métrologie, science de la mesure, l’étalonnage consiste à comparer les valeurs indiquées par l'appareil avec des étalons de références. Cela permet de garantir et maintenir la confiance envers les résultats de mesures avec une plage de tolérance définie. Pour cela, je manageais une équipe de 4 ingénieurs.
En 2018, j’ai pris de la hauteur par rapport à l’utilisation du banc de mesure puisque je suis devenu chef de projet de standardisation et de normalisation. Une fois le banc reconnu, étalonné et fonctionnel, il fallait le faire reconnaître par des normes internationales (IEC/IEEE et CENELEC), le faire adopter au sein des différentes instances de régulation et détailler aux utilisateurs la manière d’utiliser ce banc pour réaliser de mesures de conformité.
La suite de mon parcours est également étroitement liée au domaine de l’exposition du corps humain aux champs électromagnétiques puisque j’ai intégré l’ANFR en décembre 2020 comme ingénieur responsable du laboratoire DAS basé au centre de contrôle international de Rambouillet (CCI).
Qu’est-ce que le laboratoire DAS ?
Dans le cadre de sa mission de contrôle de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques, l’ANFR réalise des vérifications sur les téléphones portables et les équipements radioélectriques émettant plus de 20 mW et ayant vocation à être utilisés à proximité du corps. Avec l’acquisition quelques temps avant mon arrivée du banc de mesure développé par la société ART-Fi, l’ANFR a pu se doter d’un véritable laboratoire pour expertiser les nouvelles technologies embarquées dans les téléphones portables et les équipements radioélectriques. Le laboratoire est un espace où l’on réalise des expérimentations pour affiner les protocoles de test et contribuer ainsi aux nombreuses évolutions de ce domaine. L’objectif étant d’approfondir l’expertise de l’ANFR dans le domaine et de mieux appréhender la manière dont les nouvelles technologies gèrent leur puissance lorsqu'elles sont utilisées à proximité du corps humain. En effet, tout cela implique de nouveaux matériels, composants, logiciels, etc. L’ANFR, grâce à son laboratoire, conforte son rôle d’acteur de référence dans le domaine.
Quel est votre rôle en tant qu’ingénieur responsable du laboratoire DAS ?
A mon arrivée tout était à construire, il a donc tout d’abord fallu transformer une pièce vide en laboratoire d’essai. Avec le technicien de mesure, arrivé en même temps que moi, nous avons dû rendre le laboratoire opérationnel pour le début de l’année 2021. Nous menons des études techniques qui portent sur les dispositifs radioélectriques (smartphones, tablettes, objets connectés…) qui ont trois objectifs :
- contribuer à l’évolution des normes ;
- apporter un soutien dans le cadre du contrôle de la surveillance du marché. Ce sont nos collègues de Saint-Dié-des-Vosges qui sont en charge des contrôles et des mesures d’exposition du DAS via, vu le nombre de contrôles à réaliser, des laboratoires externes accrédités ;
- réaliser des études à destination du grand public, par exemple le rapport sur le kit oreillette filaire qui a été présenté au comité national de dialogue en janvier 2022.
Au quotidien quelles tâches réalisez-vous ?
Le plus gros de mon travail est d’animer le laboratoire en planifiant et mettant au point les études à réaliser. Le technicien va quant à lui effectuer les mesures et les opérations dans le laboratoire, il doit également avoir un excellent niveau et une grande rigueur.
Je suis également expert des comités IEC/IEEE, CENELEC et de l’AFNOR pour lesquels je participe à l’élaboration de normes en siégeant aux réunions internationales.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Le monde des télécoms évolue en permanence : à chaque nouvelle technologie, ses nouvelles spécificités qui donnent lieu à de nouvelles normes ! La 5G en bande 3,5 GHz était à peine mise en place qu’on réfléchissait déjà à l’arrivée de la bande millimétrique et à l'arrivée de la 6G. Chaque avancée technologique représente pour moi un challenge inédit mais toujours avec ce fil conducteur de protéger le public. Les sujets relatifs à l’exposition nécessitent d’être réactifs, en effet, pour la 6G on ne va pas attendre qu’elle soit déployée pour investiguer sur le sujet. Ça fait partie intégrante de mon métier de me projeter, d’anticiper différents scénarios, mener des réflexions sur comment la technologie sera implémentée et comment l’utilisateur interagira avec elle.
Quelles qualités faut-il ?
Il faut tout d’abord être curieux, avec une évidente appétence pour les nouvelles technologies et une compréhension de leurs modes d’utilisations. Selon moi, la rigueur et la cohésion de l’équipe sont cruciales pour faire tourner au quotidien un tel laboratoire. Il faut avoir le sens du détail, chercher toujours plus loin et faire preuve d’impartialité. Lors des débats avec les autres parties prenantes que ce soit dans le cadre d’un contrôle réalisé par l’agence, ou du développement d’une norme, il faut être en mesure de démontrer et expliquer son point de vue mais aussi de contre-argumenter face à des opinions divergentes. Quant à la patience, elle est une vertu nécessaire dans les projets qui peuvent durer plusieurs années !