Camping-car VS avion : quand David perturbe Goliath

Enquêtes de l’ANFR 29 août 2024

Fin avril 2024, la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) saisit l’ANFR pour un brouillage sur l’aéroport de Nantes Atlantique dans la bande VHF 117,975-137 MHz. Cette bande est cruciale puisqu’elle permet les communications aéronautiques en courtes et moyennes distances, notamment les échanges vocaux entre les pilotes et les services au sol. Ici, c’est l’antenne installée sur la vigie de l’aéroport qui est affectée…

Une enquête à la volée

Deux agents du service interrégional Atlantique sont avertis de la plainte de la DGAC alors qu’ils étaient en route pour réaliser un contrôle. Tels Starsky et Hutch, ils changent aussitôt de direction pour se rendre à l’aéroport de Nantes. En effet, l’Agence donne toujours la priorité aux brouillages affectant des services de sécurité comme les pompiers, la police, la gendarmerie ou le transport aérien.

Au bout du chemin

Sur place, les agents tentent de localiser la perturbation qui leur a été signalée autour de 188 MHz, mais en vain. Ils regagnent alors leur véhicule laboratoire pour chercher tout autour de l’aéroport. Les voilà en train de quadriller la zone : leur radiogoniomètre de toit leur permettra de déterminer la direction d'un émetteur. L’équipement fini par repérer une émission suspecte en plein dans les bandes VHF de l’aviation civile ! Mais il s’agit cependant d’une émission dans la bande 130 MHz, qui semble très différente des 118 MHz évoqués… Est-ce la même source qui est à l’origine de cette perturbation ? En tout cas, il s’agit indiscutablement d’une émission illégale, il faut agir ! Les agents de l’ANFR suivent le signal qui les conduit jusqu’à une impasse de Saint-Aignan-Grandlieu, commune qui héberge une partie de l’aéroport. Au fond de cette impasse, une maison : le signal brouilleur semble bien provenir de cette habitation…

Mesure de l’émission perturbatrice

Le boitier tomber dans les oubliettes

Après avoir sonné au portail, un homme les reçoit et les invite à rentrer. Une fois dans le jardin, l’antenne directionnelle ne pointe plus vers l’habitation mais vers un camping-car installé sur le terrain. L’émetteur coupable n’est plus très loin, mais il faut désormais changer de mode d’action, car, dans ce véhicule métallique, la directivité de l’antenne est prise en défaut.

Premièrement, avec l’autorisation du maître des lieux, ils coupent le courant dans le camping-car ce qui fait immédiatement disparaitre le brouillage. S’ensuit alors une recherche manuelle dans un endroit certes exigu mais encombré par une multitude d’objets.  Après une fouille méticuleuse, l’un des agents aperçoit un petit boîtier derrière une grille d’aération… Il pourrait bien s’agir de l’équipement perturbateur. Une fois sorti de sa cachette, Bingo ! I Il s’agit d’un vieux préamplificateur télé, poussiéreux, en plastique jauni, mais toujours branché ! Un préamplificateur est un appareil électronique qui améliore la qualité de la réception quand le niveau des signaux captés par une antenne râteau ne suffit pas à assurer une bonne réception. Pourtant, l’occupant n’en a aucun besoin : il se trouve ici à une quinzaine de kilomètres de l’émetteur de Haute-Goulaine, qui lui assure une puissance bien suffisante pour capter correctement la TNT. Le préamplificateur est d’autant plus inutile dans ce jardin que la télévision du camping-car s’avère connectée… à une box 4G : c’est donc le réseau internet filaire qui lui fournit ses images ! C’est sans doute un ancien propriétaire du véhicule qui a installé ce préamplificateur pour améliorer la réception au hasard de ses haltes sur les routes de France. Trop longtemps oublié, ce discret appareil réapparaît soudain en pleine lumière, en causant bien des problèmes !

Le préamplificateur a donc été extrait de sa cachette, débranché et mis au rebus pour toujours ; et l’Aviation civile a confirmé la fin des perturbations.  Une enquête menée à bien rapidement et de manière efficace !

Préamplificateur télé découvert

Comment un préamplificateur télé peut-il créer un brouillage ?

Du fait de son vieillissement, cet équipement était devenu nocif pour les utilisateurs autorisés de radiofréquences. Il n’était plus conforme aux exigences en matière de compatibilité électromagnétique (CEM) en émettant des parasites qui perturbaient les

services de radiocommunication aéronautique de l’aéroport de Nantes !

Ces appareils n’interagissent normalement pas avec l’extérieur : leurs signaux sont confinés aux câbles de distribution des habitations. Néanmoins, s’ils ne sont pas conformes ou lorsque leurs composants électroniques vieillissent, il arrive qu’ils produisent des émissions parasites. Celles-ci atteignent l’antenne-râteau qui, de récepteur, se transforme alors en un redoutable émetteur : par sa forme, elle amplifie en effet ces signaux parasites, qui sont ainsi diffusés dans tout le voisinage et peuvent perturber les services qui utilisent légitimement les fréquences concernées.

Ce type de brouillage est par ailleurs très fluctuant en fréquences, selon l’état des composants qui varie en fonction de la température ou d’autres facteurs. C’est pourquoi l’Aviation civile avait signalé un brouillage en 118 MHz et que l’ANFR ne l’avait constaté qu’en 130 MHz. Cette oscillation aléatoire rend la recherche parfois ardue.

Ce type de brouillage est-il fréquent ?

Les agents de l’ANFR sont rompus au traitement des brouillages générés par des préamplis télé défectueux. En effet, dans environ un quart des cas, ce sont ces préamplificateurs télé, appareils souvent oubliés après le passage de l’antenniste, qui en sont la cause ! Ce type de brouillage fait deux principales victimes : les opérateurs de téléphonie mobile d’une part et l’aviation civile d’autre part.

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