Aventure citadine : veillez à être bien câblé !

Enquêtes de l’ANFR 15 juillet 2024
L’année 2023 s’est terminée avec un brouillage qui aurait pu devenir très gênant… Un opérateur mobile a subi un brouillage impactant les usagers dans et autour de la Gare de Lyon !

Grands départs et petites interférences

C’est en plein cœur du 12e arrondissement de Paris, durant les fêtes de fin d’année, que les usagers de cette gare mythique ouverte en 1849 ont rencontré des perturbations des services 4G de téléphonie et d’internet mobiles dans la bande de fréquences 800 MHz.

Avec une densité importante des usages, cette zone devient souvent sensible en période de chassé-croisé de vacances. Elle nécessite une grande disponibilité des sites des opérateurs de téléphonie mobile pour les professionnels mais également pour les voyageurs qui ont besoin de joindre leurs proches, commander des voitures de transport avec chauffeur (VTC) ou encore passer des appels d’urgence !

Rendez-vous sur le toit pour y voir plus clair 

Deux agents du Service Interrégional de Paris, qui couvre une vaste zone, de la région parisienne à la Normandie en passant par le Nord de la France, se sont emparés du dossier. Dès leur arrivée, ils se dirigent vers l’une des antennes relais… Après s’être frayé un chemin entre voyageurs, commerçants et agents SNCF, les contrôleurs du spectre de l’ANFR parviennent à accéder au toit de la gare. C’est donc au-dessus de la circulation et de l’agitation que les agents effectuent leurs mesures et relèvent les caractéristiques de l’émission perturbatrice. En recherchant le niveau d’émission le plus élevé de la fréquence problématique, ils ont pu déterminer la direction de laquelle provenait le signal perturbateur. Malgré cet indice, ce ne sera pas une mince affaire. Il est en effet complexe de retrouver une source de brouillage dans une zone si dense, avec de nombreux bâtiments de grande hauteur… 

Enquête en jungle urbaine

Les contrôleurs du spectre abandonnent à regret leur vue panoramique pour revenir sur terre car la recherche s’effectuera au sol. Cette chasse au brouillage peut rapidement s’apparenter à une partie de Jumanji, dans un environnement aussi hostile que Paris. Avec les dispositions linéaires et concentrées d'édifices très élevés, de part et d'autre de voies de circulation, on parle même de « canyons urbains », connus pour provoquer des difficultés en matière de radiocommunication. Ils affectent la transmission et la réception des émissions radio avec des effets d'ombre et de trajets multiples. Les agents de l’ANFR, forts de leur expérience, sont tenaces ! Ils ont la technicité nécessaire pour mener à bien ce type de recherche. Le travail peut commencer ; mais avant, il faut s’armer d’antenne directive, de récepteur, sans oublier le tact et le sens de la pédagogie pour réussir à traverser les parois qui les séparent de leur objectif. Les agents avancent dans cette jungle urbaine, petit à petit, en se faisant du porte-à-porte auprès de particuliers, d’entreprises et des administrations : un travail long et minutieux, mais qui n’a pas abouti le jour même.

Labyrinthe administratif : le dénouement

C’est seulement début 2024 que les agents franciliens ont pu reprendre leur enquête. Cette quête méticuleuse les a finalement menés devant les grilles d’un immense bâtiment administratif bien connu : le ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique.

Ce ministère est en réalité composé de nombreux bâtiments, dont certains longent la Gare de Lyon. Toujours l’antenne à la main et le récepteur en bandoulière, ils s’arrêtent devant un édifice qui semble abriter l’équipement perturbateur… La course d’orientation peut débuter : couloirs interminables, beaucoup d’étages et encore plus de bureaux !  Il s’agit de ne pas se perdre… Après des heures de recherche, c’est au dernier étage que l’antenne pointe la porte d’un bureau !

Derrière cette porte, un ou plusieurs équipements produisent une énergie électromagnétique perturbatrice dans la bande de fréquences réservée aux opérateurs de téléphonie mobile. La réponse est toute proche… Les coupables sont finalement découverts : deux câbles DisplayPort (connecteur d’écran) vers VGA, reliant des ordinateurs à leurs écrans respectifs !

Le responsable informatique, intrigué par la venue des agents de l’ANFR, tombe des nues en découvrant le pot aux roses ! Il déconnecte immédiatement les câbles fautifs, ce qui résout immédiatement le brouillage. Par conscience professionnelle, il prendra le temps de vérifier tous les autres câbles installés dans le service afin de remplacer tous ceux qui seraient identiques au modèle en défaut.

 

Brouillage CEM et connectique VGA : kézaco ?

Ces deux câbles produisaient des parasites électromagnétiques en excès dans la bande de fréquences dévolue à l’opérateur mobile : c’est ce qu’on appelle un brouillage CEM (compatibilité électromagnétique). Le bureau se situait à environ 60 mètres à vol d’oiseau de l’antenne de l’opérateur de téléphonie mobile : le bruit que les câbles généraient suffisait donc à perturber le service rendu par cette antenne.

L’ANFR traite régulièrement des brouillages causés par des câbles HDMI en défaut de compatibilité électromagnétique (CEM) car insuffisamment blindés.

La connectique VGA (video graphics array), c’est une interface de connexion permettant de transmettre des signaux vidéo analogique. Elle est essentiellement utilisée pour afficher les images provenant d'un ordinateur. Elle équipe également certaines télévisions. Le DisplayPort est, quant à lui, un connecteur numérique audio/vidéo permettant de connecter un ordinateur à un écran externe.

La principale différence entre un câble HDMI, plus connu, et un câble DisplayPort est la vitesse de transfert de données.

 

En savoir plus

Un appareil électrique ou électronique peut produire des signaux parasites : non-conformité, vétusté, mauvais réglage, dysfonctionnement... Concrètement, les causes peuvent être le desserrement ou l’altération d’un câble, le vieillissement d’un composant, une mauvaise mise à la terre, un équipement en panne mais toujours alimenté ou encore un appareil non conforme à la réglementation européenne (sans marquage CE).

Ils peuvent alors porter atteinte à la disponibilité de services de radiocommunication. La portée de ces brouillages touche un voisinage plus ou moins lointain, selon les puissances mises en jeu.

Si un appareil électrique crée un brouillage par parasites électromagnétiques en ne respectant pas les normes de compatibilité électromagnétique, son propriétaire est responsable d’une infraction à la bonne utilisation des fréquences. Il est alors susceptible de se voir appliquer une sanction pénale allant jusqu’à 6 mois de prison et 30 000 euros d’amende au titre du Code des postes et communications électroniques (CPCE). Il faut ainsi rester vigilant lors de l’achat de tout équipement électronique ou électrique en s’assurant qu’il soit conforme à la réglementation européenne (marquage CE) et qu’au fil de son usage, il ne se mette pas à dysfonctionner.