Les enquêtes de l'ANFR - les brouillages ont plus d’un tour dans leur sac !

Enquêtes de l’ANFR 29 juillet 2022
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Tiny Woman with Magnifying Glass Climbing by Ladder on Huge Bag Girl Sitting on Female Cosmetician Full of Different Things and Belongings as Mobile Phone and Magazine. Flat Vector Illustration

En mars dernier, l’ANFR a été saisie d’une plainte en brouillage par un opérateur mobile. La perturbation affectait les services 3G (téléphonie et données) dans la bande de fréquences 900 MHz, à Albertville (Savoie).

Deux agents de contrôle du spectre du service interrégional Est se sont emparés de ce dossier et se sont rendus à Albertville début avril afin de rechercher la source du brouillage. Nous verrons que les coupables peuvent parfois l’être à leur insu…

Le signal perturbateur était bien présent aux abords immédiats du site mobile impacté. Leur antenne directive leur a alors désigné un immeuble en face de l’antenne-relais.

Dans d’escalier, le signal augmentait régulièrement, et c’est sur le palier du dernier étage qu’il atteignit son maximum. Les agents de l’ANFR frappèrent à la porte de l’appartement d’où semblait provenir l’émission. Son occupante leur ouvrit, et une discussion s’engagea : certes, les cartes professionnelles de ses visiteurs et leurs explications semblaient crédibles ; mais leur souhait d’accéder à son domicile en prétextant y trouver la source d’un brouillage des services mobiles dans le quartier la laissait perplexe… Les agents ANFR ont donc fait preuve de pédagogie, toujours nécessaire pour ce domaine invisible des ondes électromagnétiques. Elle les autorisa finalement à entrer pour poursuivre leur recherche.

Leur antenne directive les conduisit bientôt face à… un sac à main ! C’est à leur tour que nos agents furent saisis par le doute : cet appartement abritait-il une redoutable espionne équipée d’un émetteur-récepteur camouflé en accessoire de mode ? La réalité était heureusement plus prosaïque : la doublure du sac contenait un système antivol par RFID (« Radio Frequency Identification » ou Dispositif d'identification par radiofréquences), ces dispositifs qui sonnent parfois à la sortie des magasins. Celui-ci avait été mal désactivé. Or, il émettait dans une bande non autorisée en France pour ce type de système à courte portée (SRD ou AFP), mais qui tombait pile dans les fréquences de l’un de nos opérateurs mobiles nationaux.

Cet improbable brouillage bénéficiait d’un double concours de circonstances :

  • Le sac à main était posé dans une pièce qui donnait directement sur l’antenne relais en question ;
  • Les ondes émises par l’antenne relais activaient la puce RFID, qui à son tour émettait en continu son identification dans la bande 900 MHz, réservée en France aux réseaux mobiles. Une boucle sans fin s’enclenchait donc chaque fois que le sac était posé face à l’antenne.

Comme la puce RFID émettait des signaux dans la bande de fréquences utilisée pour la 3G, elle altérait la qualité de service sur toute la zone de couverture de cette antenne ! Ce petit appareil, qui avait été cousu dans la doublure du sac à main dans un autre continent, n’était pas conforme à la réglementation européenne : en France, une puce RFID ne peut pas utiliser cette bande de fréquences. De fait, l’ANFR intervient régulièrement pour des brouillages causés par des systèmes RFID disposant de modules non adaptés pour le marché européen et sans marquage CE, émettant dans une bande de fréquences ouverte pour le RFID dans la zone Amériques mais attribuée aux opérateurs mobiles en Europe.

La solution fut expéditive : le sac à main fut déplacé dans une autre pièce de l’appartement, ce qui a instantanément mis fin au brouillage. Et la propriétaire du sac à main dut retourner dans la boutique où elle l’avait acheté pour que la puce RFID y soit définitivement neutralisée.

En savoir plus

Les dispositifs d’identification par radiofréquence (RFID) sont des systèmes de radiocommunication utilisés pour récupérer à distance des données contenues dans des étiquettes (ou « RFID tag ») fixées à des objets. Les interrogateurs activent les étiquettes et reçoivent des données en retour.

Les radio-étiquettes comprennent une antenne qui leur permet de recevoir de l’énergie activant une puce électronique ainsi que des messages ; en retour, la puce utilise la même antenne pour répondre aux requêtes radio émises depuis l’interrogateur.

Les dispositifs RFID sont couramment utilisés pour suivre et identifier des objets.

Quelles sont les règles à respecter pour les émissions des dispositifs RFID ?

L’utilisation des applications RFID est notamment possible dans 4 canaux de 200 kHz de la bande 865-868 MHz, qui est une bande de fréquences harmonisée au niveau européen. Cette utilisation doit néanmoins suivre un certain nombre de conditions techniques précisées dans la décision de l’ARCEP n° 2021-1589 en date du 29 juillet 2021, et notamment la puissance apparente rayonnée de moins de 2 W.

Une décision européenne récente, applicable en France, permet de déployer des RFID dans 3 canaux de 400 kHz de la bande 915-919,4 MHz, à condition qu’ils ne causent pas de brouillage préjudiciable aux stations d'un service de radiocommunication bénéficiant d’une attribution à titre primaire ou secondaire dans le tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF).

A cet effet, des conditions techniques particulières s’appliquent : elles sont rappelées dans l’annexe 7 du TNRBF, dans la décision Arcep n° 2021-1589, dans l’arrêté du 21 octobre 2021 homologuant la décision n° 2021-1589 et sur le site de l’ANFR dans la rubrique « gestion des fréquences ».

  • La puissance apparente rayonnée maximale pour les interrogateurs RFID dans ces fréquences est limitée à 4 W.
  • Par ailleurs, une déclaration doit être transmise à l’ANFR pour l’utilisation de telles fréquences pour des systèmes RFID. Par dérogation à l’article 4 de l’Arrêté du 17 décembre 2007 modifié pris en application de l’article R. 20-44-11 du code des postes et des communications électroniques et relatif aux conditions d’implantation de certaines installations et stations radioélectriques, les RFID utilisant un ou plusieurs canaux dans la bande de fréquences 915-919,4 MHz dont la puissance apparente rayonnée (PAR) est supérieure à 1 W, sont déclarés par l’exploitant à l’ANFR avant installation. Les exploitants doivent indiquer les coordonnées géographiques du site, les fréquences utilisées et puissance apparente rayonnée maximum (PAR). Le formulaire correspondant est disponible sur le site de l’ANFR.

Dans tous les cas, le détenteur d’un équipement RFID est garant de l’utilisation conforme des fréquences et est responsable si son équipement est à l’origine d’un brouillage !

L’utilisateur d’un équipement dans des conditions non conformes responsable d’un brouillage est redevable d’une taxe de 450 € pour frais d’intervention. Il encourt par ailleurs des sanctions pénales qui peuvent aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.