Les enquêtes de l'ANFR : la voiture connectée… qui déconnectait les téléphones !
Pour préparer l’enquête de l’ANFR, l’opérateur mobile s’était rendu sur place. Ses soupçons portaient sur l’une voiture en réparation. Mais pas n’importe quelle auto : une voiture électrique ! Après tout, pour émettre des fréquences, il faut de l’électricité : se pouvait-il que toutes ces batteries rassemblées sur quatre roues soient la source de ce brouillage ?
Les agents du service régional d’Aix-Marseille de l’ANFR ont voulu en avoir le cœur net. Tout près du véhicule, l’analyse spectrale a confirmé que le signal brouilleur provenait bien de cette voiture. Mais ce n’était pas sa nature électrique qui la faisait rayonner ; c’était plutôt sa nature, tout aussi moderne, de voiture… connectée ! En effet, elle s’est révélée dotée d’un discret boîtier de communication, un TCU ou Telematics Control Unit, dispositif qui équipe certains véhicules électriques. Ce TCU, grâce à sa carte SIM, communique en effet avec le réseau du concessionnaire, notamment pour l’informer de l’utilisation de la batterie, du nombre de kilomètres parcourus ou du bon fonctionnement du GPS. Il permet même, ultime confort qui n’était guère de saison en ce début d’été dans le Var, de lancer le préchauffage de la voiture via son smartphone !... Mais voilà : ce TCU, en défaut, produisait un rayonnement permanent intempestif dans la bande de fréquences 900 MHz, qui perturbait l’antenne-relais, et tous les téléphones environnants.
Pour mettre fin à ce brouillage, l’idée paraissait simple : désactiver la carte SIM du TCU. Mais il faut savoir que les voitures connectées s’accommodent mal de la perte de leur connexion ! En effet, le véhicule se serait trouvé définitivement immobilisé : pas de TCU, pas d’issue ! Une autre option a donc été privilégiée : trouver un garagiste habilité qui puisse corriger ce défaut, ce qui fut fait après plusieurs tentatives, et le démontage intégral de la planche de bord du véhicule pour atteindre le fameux TCU. Après plusieurs heures de main d’œuvre, le garagiste est parvenu à réinitialiser le TCU, ce qui a définitivement mis fin à la perturbation.
Cette voiture était finalement suivie à la trace par deux entreprises : son concessionnaire, via le TCU, et l’opérateur mobile, qui voyait des alertes vagabonder sur la console de supervision de son réseau ! Ce brouillage très pernicieux se déplaçait ainsi au gré des trajets de la voiture. Avec toutefois quelques points fixes : le garage où elle avait été finalement identifiée, le lieu de travail du propriétaire du véhicule, et le soir et la nuit, les alentours de son domicile !
La voiture connectée : nouvelle source potentielle de brouillage
L’ANFR reste particulièrement vigilante car deux autres cas de brouillage d’un opérateur mobile par des voitures électriques connectées sont actuellement en cours de traitement.
Le marché des véhicules connectés se développe et de plus en plus de voitures disposent d’un TCU intégrant une carte SIM pour transmettre des données au réseau du constructeur et donner accès à des bouquets de services adaptés à ces véhicules. L’accès au réseau mobile se révèle aussi nécessaire pour toutes les voitures qui sont équipés d’un système eCall d’appel d’urgence permettant d’alerter les secours en cas d’accident. Enfin, ces connexions préparent les grandes évolutions industrielles de la conduite autonome.
Cette connectivité croissante crée une vulnérabilité aux cyberattaques, mais il faut aussi compter avec les menaces liées aux brouillages. La connectivité M2M (machine to machine) de l’IoT (internet des objets) est en effet sensible aux brouillages, que ceux-ci soient volontaires ou non intentionnels. Inversement, comme dans le cas relaté plus haut, tout objet connecté est lui-même potentiellement perturbateur.
Pour limiter ces risques, les modules radio des objets connectés doivent notamment respecter les exigences essentielles de la directive européenne 2014/53/UE du 16 avril 2014 dite « RED » et comporter un marquage CE ainsi qu’une déclaration UE de conformité.
A savoir : Au titre de l’article L.39-1 du CPCE, le fait de perturber les émissions hertziennes d'un service autorisé, en utilisant une fréquence, un équipement ou une installation radioélectrique, dans des conditions non conformes, est soumis à une sanction pénale de six mois d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. L’ANFR peut aussi appliquer à la personne responsable une taxe de 450€ pour les frais d'intervention occasionnés par l'usage d'une installation radioélectrique en dehors des conditions légales et réglementaires, ayant causé le brouillage d'une fréquence régulièrement attribuée (loi de finances).