Les constellations de satellites de télécommunications : des origines à nos jours
En matière de radiocommunications, les ingénieurs ont toujours privilégié les points hauts pour installer les émetteurs et récepteurs : prendre de la hauteur permet de couvrir des zones très larges et ainsi de réduire les coûts de déploiement. La conquête spatiale a créé la possibilité de placer des émetteurs-récepteurs sur des satellites artificiels qui survolent la Terre dans l’espace extra-atmosphérique, et ouvert ainsi de nouvelles perspectives pour les communications longue distance. C’est en 1960 que le premier « satellite de télécommunications », Echo I, simple réflecteur, est lancé. Ses successeurs vont, quant à eux, rapidement embarquer des récepteurs et émetteurs capables d’amplifier le signal reçu avant de le retransmettre. Les projets de constellations de satellites de télécommunication ne datent pas d’hier, et sont même apparus il y a plus de 60 ans !
Les années 1960 : la naissance.
Le tout premier projet de constellation de satellites est né en 1960 avec le projet Telstar développé par la société américaine AT&T. L’objectif était de tester l'utilisation d'un satellite pour les communications longue distance. Il devait comprendre 80 à 120 satellites de télécommunications de conception très simple, placés en orbite moyenne et lancés par grappes de 12 satellites. Plusieurs stations terrestres furent construites et un premier satellite a été lancé, mais le projet n’a finalement jamais abouti. C’est en 1964 que le premier satellite de télécommunications, Syncom 3, est placé en orbite géostationnaire. Sur cette orbite, le satellite se déplace de manière exactement synchrone avec la planète et reste constamment au-dessus du même point de la Terre. Le principal avantage est que les paraboles d’émission et de réception au sol sont orientées en permanence vers le même point du ciel ; elles n’ont pas besoin d’un dispositif mécanique pour suivre la trajectoire d’un satellite dans l’espace. Cette position, qui correpond à une altitude de 36 000 km, permet de voir un tiers du globe terrestre ; trois satellites suffisent pour une couverture presque globale, à l’exception des pôles. En contrepartie, le temps de transmission devient nettement perceptible : 300 millisecondes pour une communication Terre-satellite-Terre, ce qui handicape certaines applications de télécommunications qui nécessitent une faible latence.
Les années 1990 : un retour difficile
Les projets de constellations renaissent dans les années 1990, d’abord pour la téléphonie mobile par satellite avec Iridium, ICO Global Communications et Globalstar. Mais ces sociétés vont connaitre des difficultés financières : Iridium sera racheté par le Département de la Défense américain à un prix extrêmement bas et ICO Global Communications déposera le bilan avant même d'avoir lancé son premier satellite.
Puis apparaissent les grandes constellations du très haut débit fixe avec Teledesic et Skybridge. Mais aucun de ces projets ne verra le jour ! Cependant, le projet Skybridge va conduire l’UIT à définir une réglementation internationale pour permettre le partage des fréquences entre grandes constellations d’une part, et satellites géostationnaires d’autre part.
Ces échecs peuvent être imputables en partie à l’explosion des communications haut débit fixe et mobile terrestres au même moment, qui a bouleversé les plans d’affaires, nécessitant des investissements importants.
Ce sont finalement les satellites géostationnaires qui ont trouvé leur marché. En effet, ils permettent d’une part une couverture complète des territoires, difficile à atteindre par des moyens terrestres uniquement, et d’autre part de fournir des services très haut débit aux bateaux et avions. Ils ont donc ainsi leur place dans l’offre de services de communication très haut débit aux particuliers et aux entreprises.
Les satellites sont dorénavant perçus comme complémentaires des réseaux terrestres. De nouveaux projets de constellation voient le jour pour compléter, et parfois concurrencer, le marché des satellites géostationnaires.
Les années 2010 : les constellations non géostationnaires
En juin 2013, les quatre premiers satellites de la constellation O3b sont lancés. O3b est l’acronyme de « other 3 billion », en référence aux trois milliards d’habitants de la planète ne disposant pas encore d’internet. Il s’agit d’une constellation en orbite moyenne à 8 000 km d’altitude dans le plan équatorial, fonctionnant en bande Ka. Aujourd’hui, vingt satellites construits par Thalès Alenia Space, sont en orbite et d’autres ont été commandés.
OneWeb est, quant à lui, un projet de constellation d’environ 600 satellites en orbite basse à 1 200 km d’altitude, en bande Ku pour les liaisons avec les utilisateurs finaux et en bande Ka pour les liaisons avec les stations passerelles. Il comporte actuellement 110 satellites en orbite construits par une société commune entre Airbus et OneWeb.
Le géant américain Starlink de la société SpaceX a, quant à lui, déjà déployé 1 152 satellites et prévoit à terme 12 000 satellites.
Amazon envisage également le déploiement de 3 236 satellites dans le cadre de son projet Kuiper.
En février 2021, Thalès Alenia Space a été sélectionné pour construire la constellation de 298 satellites du canadien Telesat.
Enfin, la Commission Européenne a annoncé un projet de constellation souveraine européenne pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Union Européenne. En décembre 2020, elle a sélectionné un consortium composé d’Airbus, Arianespace, Eutelsat, Hispasat, OHB, Orange, SES, Telespazio et Thalès Alenia Space afin d’étudier la conception, le développement et le lancement d’un système spatial européen indépendant de communications.
Un fonctionnement efficace
Les satellites communiquent d’une part avec les stations passerelles (gateways), qui assurent l’interconnexion avec les réseaux terrestres et, d’autre part, avec les terminaux des utilisateurs finaux, de plus petite taille, chez les particuliers ou les entreprises. Comme pour les faisceaux hertziens terrestres qui fonctionnent dans les mêmes bandes de fréquences, la largeur du cône d’émission est très étroite, quelques degrés à peine. Cette forte directivité des antennes permet de partager les bandes de fréquences entre plusieurs constellations de satellites, avec les réseaux à satellites géostationnaires ainsi qu’avec les réseaux terrestres.
La complexité des satellites et des équipements associés au sol varie d’une constellation à l’autre. Certains fonctionnent comme des satellites classiques, retransmettant directement vers une passerelle les signaux reçus d’un utilisateur. D’autres sont plus sophistiqués et assurent un traitement du signal à bord, ainsi que des liaisons inter-satellite. Ces liaisons inter-satellites permettent de déployer un véritable réseau maillé dans l’espace, et les communications n’ont plus besoin de transiter par certains territoires. Néanmoins, l’ensemble des données échangées entre les utilisateurs et les satellites doivent redescendre sur Terre : les constellations, comme les satellites géostationnaires de forte capacité, ont besoin de nombreuses stations passerelles pour assurer ce flux.
Certaines des fréquences de ces constellations ont été déclarées par la France à l’UIT. C’est le cas des fréquences de la constellation Globalstar, d’une partie des fréquences de OneWeb et O3b. D’autres droits français enregistrés par l’ANFR à l’UIT pourraient s’avérer intéressants pour les futurs projets de constellations. De son côté, l’ARCEP délivre les autorisations pour les opérateurs, comme elle vient de le faire pour les terminaux et les passerelles de la constellation Starlink/SpaceX en France.
En matière de constellation, certains voient déjà plus loin. Ainsi, l’Agence Spatiale Européenne étudie une constellation de satellites autour de la Lune afin de développer les capacités de communication et de radionavigation dans le cadre du projet Moonlight et de faciliter les prochaines missions sur la Lune.